Iwak c’est Inktober with a keyboard, donc tout le mois d’octobre : un article par jour avec un thème précis.
Quand je ne parle pas de fin du monde explosive, je parle d’IA qui, à sa manière, alimente parfaitement le premier événement, et le rend plus tangible et palpable. Mais je trouve que c’est globalement intéressant de s’interroger sur le progrès technologique, de ses qualités intrinsèques à son aliénation de la société, et il semble que l’un n’aille pas sans l’autre. Dans quel cas, faut-il y renoncer ?
Parce que si l’on devait recouvrer un peu de bon sens on prendrait la bonne décision globale de… Tiens par exemple : supprimer les téléphones portables. C’est une source dingue de pollution, les communications sans fil sont beaucoup plus consommatrices et moins efficaces que les communications filaires, et on se débrouillait bien avec le téléphone et des bêtes ordinateurs. On fonctionnait aussi sans Internet, et ça marchait non ? Mais là, c’est un retour en arrière basé sur moi, mon expérience et mes repères. Un gamin d’aujourd’hui dirait qu’on n’a pas besoin d’IA générative, et ma grand-mère me disait qu’elle vivait bien sans électricité et sans téléphone jusque dans les années 60.
Mais abandonner aujourd’hui nos Internets qui sont si pratiques pour tant de choses, et sur lesquels repose une grande partie de notre économie, nos portables qui sauvent aussi couramment des vies et nous permettent d’être tout le temps en contact les uns avec les autres… Dur dur. Ne parlons pas d’un retour en arrière sur le front de la santé , ou même de la pénibilité de certains emplois. Là aussi d’ailleurs, on glose toujours sur des emplois non qualifiés et déshumanisés, apportés par le taylorisme et le travail à la chaîne, qui sont de plus en plus automatisés, et ce qui serait un bien pour l’humanité ?
Tout ça passe crème jusqu’à ce que l’IA générative vienne taper dans les rangs des professions plus intellectuelles ou créatives. Là ça secoue un peu plus des gens qui ont des voix qui portent un peu plus… Mein gott, que c’est terrible cette hypocrisie absolument généralisée.
Le capitalisme fait croire que le progrès n’est qu’un prétexte à créer plus de valeurs, et que par cette nouvelle valeur, même si cela donne lieu à des difficiles et cruelles transitions économiques et industrielles, on crée plus de jobs, et que c’est un cercle vertueux. Mais lorsque nous sommes dans la pure extraction de valeurs comme on le voit ces derniers temps, et que ça va très très vite, à une échelle globale, eh bien ça pue du cul.
Et quand en plus, nous sommes sur des technologies qui ne sont pas rentables, aspirent littéralement l’ensemble des investissements de tous les domaines technos, sont des béhémots consommateurs de ressources rares et ont un impact terriblement nuisible sur l’environnement : bah on ne fait rien, on y va bille en tête.
Mais même avec ça, on peut se dire que l’on trouvera des moyens pour que ça coûte moins cher, pour que ça pollue moins, et on se focalise aussi sur les bienfaits de ces technologies. Et ils existent bien sûr. Et je me dis mais pourquoi refuser ce truc là, alors qu’on a accepté tous les autres. Y compris les calculatrices qui font que je suis incapable de faire la moindre opération d’arithmétique sans utiliser un navigateur (car c’est comme ça que tout le monde fait non ?
). Alors pourquoi refuser les IA génératives aux gamins qui comme moi avec l’arithmétique auront cette nouvelle béquille tout le temps avec eux ? (IA Générative que j’utilise moi-même couramment pour le boulot ou même un usage personnel depuis que c’est disponible parce que c’est très utile.)
Bon et après évidemment, on remonte à Socrate, dans le Phèdre de Platon, selon qui l’écriture rend les hommes oublieux en ne mémorisant plus, et en leur donnant une illusion de savoir alors qu’ils ne possèdent qu’une connaissance superficielle.
Platon, quoiqu’auteur, met dans la bouche de son maître Socrate une critique incisive de l’écriture. Dans le Phèdre, Socrate critique l’écriture, qui ne favorise pas la mémoire mais au contraire la décharge, et fige la pensée dans des formules. L’apprentissage par l’écriture serait vain en ce qu’il ne fournirait qu’une apparence de savoir, et dispenserait l’apprenant de compréhension propre. L’écriture ne devrait ainsi jamais être qu’un aide-mémoire pour s’aider à retrouver un mouvement de pensée à oraliser.
Article Wikipédia sur l’écriture (philosophie).
Et tout découle de là…
Et pourtant on voit bien l’abîme de l’IA… Et comme abyssus abyssum invocat, on vient d’apprendre aujourd’hui qu’Amazon prévoit d’avoir 600 000 emplois de moins à recruter/conserver d’ici 2033 grâce à un ambitieux programme de robotisation de ses entrepôts.
L’exemple le plus connu de révolte contre la technologie est celui des luddites au 19ème siècle en Angleterre. Cela a donné le courant du luddisme, et celui du néo-luddisme qui correspond à des mouvements très actuels de rejet des technologies (même s’il est peut-être dans ce domaine plus intéressant de lire Jacques Ellul). Ces luddites sont des briseurs de machines de 1811-1812 alors qu’en plein essor d’industrialisation en Grande-Bretagne, des premières machines à tisser viennent révolutionner des corporations bien organisées et des métiers qui se voient directement touchés : les tondeurs de draps, les tisserands sur coton et les tricoteurs sur métier. Et là c’est un bon exemple de réactions à une nouveauté technologique qui vient bouleverser un équilibre, un rapport de force, et vient entamer directement le moyen de subsistance de toute une communauté.
Mais comment ça s’est terminé :
En fait, les trois métiers mentionnés vont quasiment disparaître à l’aube des années 1820.
Article Wikipédia sur le Luddisme.
Mais d’un autre côté, on a arrêté le Concorde et le transport supersonique parce que c’était risqué pour l’environnement, un gouffre financier non rentable, mais ça permettait de faire Paris-NYC en 4 heures pour des privilégiés qui payaient une blinde. Cela paraît fou aujourd’hui, alors que Musk déploie des milliers de satellites en orbite basse dont on redoute la fin de vie, et qui paraissent une hérésie au moins similaire. Aujourd’hui, on garderait le Concorde, on baisserait même artificiellement les prix en misant sur la croissance et le volume, et on spéculerait pour cacher tout ça. Et on dirait que l’avenir nous donnerait sans aucun doute des technologies supersoniques propres et bon marché.
J’ai été surpris il y a quelques temps de lire, via la veille de Louis Derrac, un article qui justement affirme : We should all be Luddites.
The Luddites were not fighting technology but the enclosure of their future.
We should all be Luddites par Courtney C. Radsch
We are now facing a similar moment. As artificial intelligence reconfigures every dimension of our societies—from labor markets to classrooms to newsrooms—we should remember the Luddites. Not as caricatures, but in the original sense: People who refuse to accept that the deployment of new technology should be dictated unilaterally by corporations or in cahoots with the government, especially when it undermines workers’ ability to earn a living, social cohesion, public goods, and democratic institutions.
Journalists, academics, policymakers, and educators—people whose work shapes public understanding or steers policy responses—have a special responsibility in this moment: To avoid reproducing AI hype by uncritically acquiescing to corporate narratives about the benefits or inevitability of AI innovation. Rather, they should focus on human agency and what the choices made by corporations, governments, and civil society mean for the trajectory of AI development.
This isn’t just about AI’s capabilities; it’s about who decides what those capabilities are used for, who benefits, and who pays the price.
Et cela vient d’un think tank américain plutôt centriste, on n’est pas dans une stance bolchévique altermondialiste qui n’aura, malheureusement, pas grand espoir de percer.
Je me demande donc si on appuiera ou pas sur le bouton…
Mais avec tout ce qui précède ? A t-on le droit, l’impudence, est-ce même éthique au vu de nos actions passées, de notre hypocrisie à tous ? L’abîme est-il inexorable ?


Haha, en te lisant je me demandais à quel moment tu allais appuyer sur le bouton
En réalité, je trouvais aussi que la robotisation, l’IA et l’automatisation étaient déjà des sujets très « bouton ». Mais oui j’ai cherché tout de même à enfoncer le bouchon à la fin.
Aristote (ou un de ces gars) disait que l’écriture était la mort de la parole, la mort des mots. Et l’IA générative est une deuxième mort pour la parole, qui a maintenant en plus entièrement perdu son auteur et son contexte. Et Roland Barthes avait prédit la mort de l’auteur. Et les grosses boîtes d’IA comme OpenAI commencent à installer leurs énormes « data centres » au Canada parce qu’il y a de la place et de l’eau et que les Canadiens sont trop cons pour dire non :(
Globalement ces philosophes étaient des rhéteurs et orateurs, et je pense qu’ils voyaient dans l’écriture aussi une menace de leur propre job. A la fois parce que ça fixait leur parole, et ça permettait aussi de se l’approprier, et qu’on avait plus besoin d’eux ensuite pour la prononcer. Mais avec aussi les problématiques d’interprétation, réinterprétation, etc. Bref les mêmes sujets que 2500 ans plus tard. Purée !!!!
Il y a actuellement un documentaire très éclairant sur l’IA générative que j’ai visionné hier.
Les contenus générés inondent littéralement le web au point qu’ils sont en train de faire mourir l’Internet. Des contenus vides de sens, des babillages interminables pour ne rien dire, des contenus fallacieux et j’en passe… Même les moteurs de recherches revoient plus souvent qu’à leur tour vers des contenus générés par IA, des livres (romans et essais pseudo-schientifiques écrits par l’IA sont vendus sur le célèbre site de vente en ligne commençant par A et finissant par N.
Il est peut-être temps de revenir à la bonne vieille encyclopédie papier et le bon vieux dictionnaire? En tous cas, continuer à utiliser les moteurs de recherches « mainstream » est la pire des choses à faire… tant ils sont infestés par cette vérole d’IA générative…
https://www.arte.tv/fr/videos/122187-000-A/l-ia-va-t-elle-tuer-internet/
Disponible jusqu’au 29.12.2025.