MatooBlog

Pectus est quod disertos facit. ∼ Pédéblogueur depuis 2003 (178 av LLM).

Iwak #30 – Violon

Iwak c’est Inktober with a keyboard, donc tout le mois d’octobre : un article par jour avec un thème précis.

Le violoncelle serait plus précisément mon instrument de prédilection, mais en réalité je suis totalement charmé et envoûté par les quatuors à cordes. Deux violons, un alto et un violoncelle : ces instruments forment un accord d’une perfection, d’une harmonie et d’une puissance qui m’affole. Et le violon en particulier est pour moi associé à un truc qui remplit autant les grandes salles de concert prestigieuses, les conservatoires de musique, les zéniths de province, les couloirs de métro, les loges de concierge, les compilations à deux francs cinquante de mon enfance, les musiques d’attente de standard téléphonique, les ascenseurs de France et de Navarre, la moitié des publicités de la téloche : les Quatre Saisons de Vivaldi.

C’est fou de se dire que ces morceaux qui ont été composés il y a tout juste 300 ans par Antonio Vivaldi (été 1724 !!), n’ont pas pris une ride, et sont aimés et connus d’à peu près tout le monde, même lorsqu’ils n’en connaissent pas l’auteur ou le titre. Moi ce qui me plait tant là-dedans c’est clairement leur tension dramatique, et le fait que ce soit super rythmé, super tendu, et que ça pulse littéralement d’énergie, de secousses et de revirements. On a des images, qui pousseraient à la synesthésie, et des illustrations que l’on associe couramment aux saisons, et je pense qu’on a intégré ce vocabulaire musical pour ses usages précédents, mais en effet on y « voit » bien le souffle doux du vent dans les blés jusqu’à la tempête et la pluie battante qui mettent la nature en péril.

Et comme moi j’ai l’âme d’une concierge1 (portugaise en tout cas, au vu de mes origines2), j’adore ces morceaux bien pompiers qui remuent plein de choses en moi. Ce qui m’épate avec le violon, et en particulier donc dans les Quatre Saisons, c’est à la fois la virtuosité mais la capacité physique pour sortir aussi vite et bien cette multitude de notes. Cela paraît juste surhumain, et c’est aussi en cela que c’est si bouleversant et submergeant à l’écoute, comme un stroboscope auditif, un Pollock à l’archet ou la visite olfactive d’un souk marocain.

Vivaldi a certes eu du succès à son époque (1678-1741), mais apparemment a été ensuite complètement oublié, avant d’être redécouvert au milieu du 19ème siècle. Je me rappelle avoir été épaté quand adolescent j’avais vu un film, d’une production tout à fait moyenne, qui figurait le grand auteur de théâtre Goldoni dans une intrigue policière sur fond historique : Rouge Venise (un giallo de 1989). Goldoni enquête dans Venise avec son ami et side-kick très haut en couleur : Antonio Vivaldi. Et même si l’histoire était tout à fait fictive, Vivaldi a vraiment été pote avec Goldoni, et ce dernier lui a écrit deux livrets (sujet de blagues récurrentes dans le film). Dans le film, Vivaldi est un peu hystérique et hyperactif, il parle très vite, et saute partout un peu comme un dingue toujours sur la brèche. Son côté ecclésiastique a l’air d’être assez secondaire à sa musique, et c’est un personnage d’abord humoristique.

Les Quatre Saisons ont été également réinterprétées par beaucoup de compositeurs qui en ont fait leur propre version, ou s’en sont servi d’inspiration. Cela a donné de très chouettes œuvres de Max Richter ou Philip Glass par exemple. Pour ce dernier d’ailleurs, c’est aussi ses thèmes « passionnels » à cordes qui me plaisent tant. Il y a notamment ce solo de violon d’Einstein on the Beach qui est un truc incroyable dans la veine répétitive de Glass, mais porté à son paroxysme et dont on voit aussi l’effet sur le physique des musiciens lorsqu’on l’expérimente en live.

Solo de violon d’Einstein on the Beach par Thomas Halpin

Pour finir, un truc fou dont j’ai déjà parlé il y a presque vingt ans, mais qui continue de me remuer les tripes. C’est encore du Glass et c’est encore merveilleusement enlevé et enlevant.

Extrait du Quartet N°5 (1991) par l’ensemble Kronos Quartet
  1. Avec les keupines des « folles d’opéra » dont Kozlika, Chondre, Zvezdo ou Gilda, on parlait de notre amour des opéras de concierges qui sont en gros le répertoire ultra-classique du Bel Canto bien « colorée », mais c’est évidemment avec beaucoup de considération pour les loges (non maçonniques, quoi que le Portugal tout ça ^^ ) de France et de Navarre. ↩︎
  2. Mon second prénom n’est pas Manuel pour rien. ↩︎
  • Quel bonheur de réécouter, grâce à ton billet, ce solo d’Einstein on the Beach :amitie:
    C’est une merveille !
    Je l’inscris dans mon panthéon musical avec, entre autres, Vivaldi, Bach, Pärt… :chatlove:

  • C’est marrant parce qu’en préparant mon billet du jour, je me disais que je préférais vraiment le violon solo au piano solo. Puis en écoutant tes deux morceaux, je suis plus dubitatif :sourire: je les trouve hyper flippants :croa:… même si, on est d’accord, c’est du grand art !

    • Ah mais j’ai sélectionné des trucs très « 4 saisons » donc on est dans des morceaux très dynamiques, contrastés, colorés et presque syncopés (et à la limité du « tonal » chez un contemporain comme Glass) ! Mais ça ne reflète pas le violon calme, romantique ou mélancolique. Et je suis moi aussi très amateur de « solo piano » minimalistes surtout pour leurs aspects calmes et introspectifs. Bon après, j »aime particulièrement Metamorphosis 2 de Glass justement pour cette capacité à mixer les deux approches. :huhuchat: :ok:

  • Arf ! je suis plus « violonS « au pluriel pour la puissance, l’ampleur, la profondeur, la richesse que cela apporte aux orchestrations… que violon solo.
    Mais bon… Nigel Kennedy qui joue les Quatre saisons de Vivaldi ça le fait et ça m’émeut sacrément !

  • Ma prof de danse, à Paris, avait monté un ballet sur les Quatre Saisons, en choisissant des extraits. J’ai depuis ce temps des « paroles » sur quelques mélodies (« passé assemblé pas de bourrée », par exemple). J’ai cru voir que le Ballet de Boston présente plus ou moins en ce moment une chorégraphie (bien plus) intéressante sur ces mêmes Saisons.
    Et je dois au violon de ma correspondante allemande une expérience immersive incomparable au sein d’un orchestre (scolaire) qui jouait les danses hongroises de Brahms.

  • Merci pour ce billet qui remet de la musique classique dans mes oreilles. Je n’ai pas l’habitude ou plutôt je l’ai perdue. « Musique classique », l’étiquette est tellement plate et pas à la hauteur de la virtuosité que tu évoques. Enfin, Glass je l’écoute plus au cinéma, merci le cinéma :clindoeil:

    Je ne connais pas grand chose au sujet, j’avoue. Et dire que j’avais comme compagnon (autrefois) un chef d’orchestre…

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