Lorsqu’on est enfant, l’exemple vient souvent des parents. Exemple à suivre ou au contraire à prendre à rebrousse-poil, on se positionne souvent face à eux, un de ces jours. Et puis, on nous compare aussi toujours aux autres, et on nous serine de « Fais donc comme machin, regarde comme il s’en tire bien. » ou alors « Ne fais surtout pas comme Machin. Tu as vu comme il est nul ? ». Machin peut être son frère, sa soeur, ses cousins, ses voisins ou n’importe quel autre quidam qui satisfera à l’orientation voulue.
Et dans les exemples qu’on se prend instinctivement directement dans les dents, il y a les parents et la fratrie. Pour ces exemples là, il peut être très difficile d’en faire l’impasse tant ils nous imprègnent intuitivement depuis nos vertes années. J’ai vu l’épée de Damoclès qui oscillait dangereusement au-dessus des têtes de mes camarades dont les parents étaient médecins ou avocats, et les qui challengeaient sur des professions identiques. Du coup, être d’une famille où personne n’a même songé à passer son bac, a toujours été une source de stress en moins pour moi. Le côté négatif c’est que ça ne pousse pas vraiment non plus à se dépasser, et qu’au contraire ça pousserait même à faire comme les autres, sans se prendre la tête (ce qui explique aussi en partie que les ouvriers engendrent des ouvriers, et les cadres des cadres).
Mais je comprends la relative difficulté d’être enfants de gens aux prestigieuses professions, et dont on comprend instinctivement qu’il vaut mieux vouloir faire au moins aussi bien. S’ajoute à cela la problématique pécuniaire… comment passer d’un niveau social familial supérieur, à son propre niveau, s’il est inférieur ? Evidemment c’est possible, mais je comprends aussi que cela puisse nécessiter quelques ajustements et douloureux renoncements.
Le plus incroyable exemple qu’il m’ait été donné dans ce domaine, est celui de Franck dont les parents, après plus de trente années de mariage, s’aiment toujours sincèrement. Ca c’est un putain de challenge pour lui ! Il m’avait dit à quel point il angoissait à ce propos, alors que souvent, à voir ses parents, on se dit « Cool, au moins, je ne les envie pas pour leur passion amoureuse intacte ! ». Or, pour lui, c’est le cas. Disons que sans les jalouser, il est complètement admiratif de leur exemple, et n’aspire qu’à les imiter. Et pour les avoir rencontrés, je ne peux que souscrire aux désirs de Franck. Ses parents sont en effet un truc dingue de sérénité, d’amour et d’harmonie. En voilà un curieux exemple névrotique à refiler à ses enfants non ?
Plus classique, on a l’exemple induit des frères et soeurs. Quand le grand frère a fait l’ENA, est-ce que le petit frère a vraiment le choix ? En tout cas, j’ai souvent constaté une certaine angoisse qui sourdait chez les amis dont les frères ou soeurs étaient brillants dans leurs études. Et les parents entretiennent aussi plus ou moins consciemment cette émulation. C’est plus facile de faire mieux que son frère aîné que le contraire. Ce fut le cas pour moi, et mes parents nous ont bien fait comprendre qu’il n’y avait pas photo (dans leur maladresse). Je sais que ça n’a pas été si facile pour mon frangin, même s’il était fier de son petit frère. Mais bon jusqu’à ce que nous réalisions que je pouvais être beaucoup moins épanoui que lui dans mon taf, et que c’était moins valable que lui, qui était heureux dans ce qu’il faisait au quotidien.
Il est arrivé à peu près la même chose à une copine, C. et sa soeur aînée A. Cette dernière était excellente élève et ne faisait que bosser dans la vie. La petite soeur était moins assidue et plus fantasque. Elle se consacrait aussi à ses amis et ses loisirs, au grand dam de ses parents qui lui ont fait la guerre pendant des années. On n’entendait alors que « Fais comme ta soeur ! Elle travaille, c’est bien ! ». Et puis, la grande a terminé ses études, et a commencé à bosser dans une grande compagnie d’assurance, tandis que la cadette a aussi trouvé une voie, un peu plus modeste mais très bien pour elle. Et lorsque l’aînée à trente ans n’avait toujours pas quitté le cocon, et qu’elle n’avait pas de potes, pas de vie sociale, alors on entendait : « Fais comme ta soeur ! Allez sors, rencontre du monde ! ».
Et puis, il arrive qu’on devienne exemple à suivre, à son tour. Un été d’il y a quelques années où nous avions passé du temps ensemble avec Cécilia, nous étions allés rendre visite à son frère et ses neveux. L’un des neveux de Cécilia posait pas mal de difficultés à ses parents car il déconnait à fond les ballons à l’école. Or ce dernier s’était entiché de moi, et faisait tout ce que je faisais, me suivait et n’arrêtait de parler de moi à ses parents. Il dit même à ses parents « Je veux faire comme Mathieu ! ».Et comme son plan de carrière se résumait, à 11 ans, à fumer des cigarettes, s’éclater avec ses copains et arrêter ses études pour glander à temps plein, sa mère le reprend en rigolant et lui dit : « Ah oui ? Mais tu sais Mathieu, il ne fume pas, ne boit pas d’alcool et a fait des études supérieures ! ». Et le neveu de répondre placidement : « Eh bien je ferai pareil, exactement tout pareil. ».
On s’est regardé Cécilia et moi, puis la mère, et le père. On était morts de rire, sauf le père qui cherchait à dire un truc. « Heuuu nan, enfin pour ça oui, mais pas pour tout en fait. Il ne faudrait pas que tu…. Enfin nan, mais si, les études, le tabac et tout oui. Mais les filles, les garçons… le… ». Le môme regardait son père avec des yeux gros comme des soucoupes se demandant ce que le père avait bien envie de lui dire. Et nous on était morts de rire. Et la mère rajoute hilare : « Mais si tu fais comme tu veux, pourquoi pas tout comme Mathieu ! ». Elle savait bien que les velléités pour les études de son fils ne dureraient pas la journée, et apparemment n’était pas effrayée par l’exemple néfaste de ma pédésexualité sur son fils. :mrgreen:
Donc prendre exemple oui, mais pas sur tout. Cela relativise tout de suite les choses… ;-)
alors, il est devenu comme toi le ptit neuveu ? :lol:
neveu, oups
ha ! le coup du bonheur parental … ça m’aura bouffé une bonne partie de ma vie, ce truc. si au moins, je pouvais leur reprocher un truc … !
hauts les coeurs, au boulot …
« …les ouvriers engendrent des ouvriers, et les cadres des cadres »
le problème c’est le temps qu’il faut avant d’en prendre pleinement conscience et y remèdier… la plupart arrive après la bataille.
Et quand on devient parents, ces questions-là obsèdent. Ne pas projeter d’ambitions sur ses enfants, les ouvrir à tout et les laisser le plus libres possible pour qu’ils se découvrent, qu’ils nourrissent leurs propres passions, qu’ils avancent sur leur voie.
d’acc avec cléa mais qu’estce qu’on angoisse pour ses enfants qd on est parents.Et il faut faire tres attention de ne pas trop projeter et faire réaliser par eux ce qu’on n’a pas pu faire.J’ai 3 enfants les 2 filles ont bien réussi leurs étuudes la garçon n’a rien fait mais il a bien rebondi il vit maintenant au Brésil ou il est heureux alors il ne faut jamais désespérer!!!!!!
Matoo je te le redis tu ferais un papa super:cool:
Parfois cet exemple à suivre (ou ne pas suivre) s’exerce de façon inconsciente et surprenante. Mes parents n’ont pas fait d’études et n’ont jamais cherché à influer mon orientation professionnelle et pourtant, malgré mes études et mes bons résultats, il me reste parfois un sentiment de non-accomplissement. Comme si le fait de passer à un mode de vie différent et un peu plus aisé était un échec en soi.
enfin! un forum ouvert aux angoisses parentales :mur:
vous avez dit beaucoup qui rapporte à ma situation, père de deux teenagers, merci
Je confirme ! Ayant un père ingénieur, une mère professeur et une soeur ainée habituée aux 20/20 dans TOUTES les matières (y compris le sport…), j’ai eu une scolarité marquée par « Tu vas finir éboueur si tu continues comme ça ! ».
Maintenant ma soeur me dit qu’elle m’envie parce qu’elle pense que mon job de CM est plus intéressant que son job de responsable de labo de R&D…
Mais elle reproduit le schéma familial avec ses deux filles.
De toute façon la question de l’exemple dans ce domaine ne se pose pas, puisqu’autant on peut décider de fumer ou pas, de bosser pour faire des études ou non, on ne décide pas d’être pédé ou pas, donc les parents n’avaient pas à s’inquiéter…
Matoo, conseiller familial, assistant social, psychologue. (jamais songé à une reconversion?)
>XIII : z’avaient pas l’air très inquiets. Je me demande ce que c’était qu’avoir Matoo comme enfant à la maison, quand il n’était pas en train de peigner les mottes de terre. Enfant cool et discret, ou enfant clown? Enfant obéissant, ou n’en faisant qu’à sa tête? Je peux imaginer les deux.
Il y aussi les parents modestes qui ont donné, au moins implicitement, les modèles d’ascension sociale à suivre tout en laissant la liberté totale de choix aux enfants. Et lorsque les enfants ont atteint l’idéal implicite, tout le monde fait le douloureux constat du vide qui s’est créé entre eux. Et c’est le grand flip pour tout le monde : l’enfant qui ressent sa mobilité sociale comme une fracture dont il se sent responsable; les parents qui se désolent que cette mobilité qu’ils ont implicitement encouragée ait conduit à creuser un fossé avec leurs enfants…Paradoxe et complexité de l’ascension sociale.
Je vous présente Yannick, c’est mon psy. :petard: Je lui ai tout dit, et il a tout compris.