Iwak c’est Inktober with a keyboard, donc tout le mois d’octobre : un article par jour avec un thème précis.
J’ai un attachement très limité aux choses matérielles, en tout cas pour leurs valeurs financières ou leurs usages comme un signe extérieur, mais les choses pour moi sont importantes pour leurs pouvoirs d’évocation et leurs charges mémorielles très singulières. J’avais évoqué déjà ça il y a dix ans dans un article où je listais quelques colifichets et talismans personnels qui sont très précieux à mes yeux mais qui ne valent rien.
Je me rappelle de l’air inquiet de certains quand j’ai dit que j’avais un truc à récupérer dans la maison de ma grand-mère lorsqu’elle est décédée. Et quand je suis revenu avec un vase en porcelaine de quelques centimètres de haut qu’elle avait eu avec un catalogue « Bergère de France », les gens étaient beaucoup plus détendus.
Quand j’ai déménagé de chez mes parents, j’ai récupéré des tas de petites choses qui sont passées tout à fait inaperçues, car c’était des merdes ou des bibelots de fond de tiroir, mais cette caméra Super 8 Bell & Howell que je montre, et qui appartient à ma maman, est sans doute un des fleurons de mon cabinet de curiosité mémoriel.
Ma maman l’a achetée en 1970, et la caméra a servi à immortaliser des tas de petites séquences de vacances en famille avant ma naissance, et un peu après. C’est impressionnant à prendre en main car c’est un truc très analogique et mécanique bien sûr. C’est lourd car il y a peu de plastique mais beaucoup de mécanismes en métal. L’objet est beau et impressionnant mais en plus il est dans une sacoche en similicuir avec un revêtement intérieur rouge en velours, ce qui en fait un écrin encore plus « riche ». Mais je n’ai jamais vu ces films, car les bobines se sont perdues, les projecteurs ne fonctionnent plus, les écrans ont été jetés, et les gens sont passés à autre chose.
Il ne restait plus que cette caméra qui trainait dans un recoin de la maison de mes parents, une sacoche recouverte de poussière, mais bien emmitouflée dans 30 années d’inactivité. Ma mère n’a pas moufté quand j’ai demandé si je pouvais mettre la main dessus. J’ai prétexté vouloir l’utiliser à Paris peut-être… Et en effet, je m’étais procuré un film, et j’avais fait quelques tests simplement pour voir si ça marchait encore. Et c’était bien le cas. Mais il fallait (encore aujourd’hui c’est le seul moyen bon marché) acheter un film vierge en Allemagne par correspondance, et le faire développer à distance outre-Rhin.
Mais bon, les procédés argentiques se sont rapidement éteints, et le numérique a tout conquis, avec ce truc assez paradoxal qu’on perd beaucoup plus de clichés ou de films comme cela. En effet, l’éphémère fonctionne bien, et on se partage beaucoup plus de supports numériques « sur le coup ». Mais on met ça sur des réseaux sociaux, dans des mémoires de téléphones, sur des espaces de stockage distants ou des disques durs pour les plus aventureux (de la vieille école en réalité). Et donc tout ceci va forcément se perdre. On gardera plus de traces de nos supports papiers des années 80 qui passeront de garages en garages que nos photographies entièrement numériques qui ne survivront pas une mise à jour d’un système d’exploitation (et encore moins un hiver nucléaire ).
Je suis le seul dans ma famille à avoir des archives assez complètes en ligne et accessible de toutes mes photos, y compris ce que j’ai pu scanner des négatifs des années 30 à 60 de mon grand-père, des photographies papiers chez mes parents, et de tout ce que j’ai capturé sur mes téléphones ou appareils photos numériques de ces 25 dernières années. Je ne sais pas ce qui fait mon attachement ainsi à une mémoire collective qui n’aura pourtant aucun transmission à mon niveau, mais ça me satisfait moi, c’est déjà ça.
Dans les quelques bobines que j’ai pu récupérer, et que j’avais fait transposer en VHS au tout début des années 2000, il y avait ce bout de film que j’ai fini par capturer en numérique. Cela explique donc la pixellisation ultime et la résolution dégueulasse de ce machin. Depuis tout a été perdu ou jeté, en tout cas je n’ai plus d’autres traces que cela de ce film super 8. Je l’ai déjà publié plusieurs fois, il date de 1977, et se passe dans le jardin de ma grand-mère. C’est forcément ma maman qui filme, car mon frère vient vers elle tout de suite et lui tend quelque chose avec familiarité. On y voit mon père et mes oncles qui jouent aux boules dans une allée qui n’est pas encore pavée, et ma grand-mère et ma tante s’occupent de moi. Après c’est un gros plan de moi dans les bras de ma grand-mère (on doit être au printemps 77). Et enfin ma cousine Virginie qui fait la tronche avec mon frère Jérôme qui tente de la dérider pour la caméra.
C’est tellement émouvant, je trouve, de voir ces morceaux de sa famille, de son, en mouvement sur des formats totalement obsolètes.
J’avais une super 8, ou plutôt je l’ai piquée à mon père et j’ai filmé mon voyage en Italie en 1986 je crois, quelqu’un avait eu la gentillesse de le transférer sur format actuel, ça m’a fait un choc de voir ça.
Oui c’est très banal aujourd’hui, mais très exceptionnel à l’époque. C’est cool si tu as pu remettre la main dessus, et surtout s’il y a des gens filmés au-delà des paysages.
« les procédés argentiques se sont rapidement éteints » ah non ce n’est pas exact , j’ai encore un EOS 50 argentique qui date de la fin des 90’s et fonctionne encore très bien et a tiré le portrait de gens que j’aimais y’a encore 10 ans et fonctionne là encore et a repris du service. Et j’ai fait developer une pellicule de l’appareil 24×26 hérité de mon père: pas loin de chez moi à 980 m d’après mon appleWatch. Bon j’habite Paris et c’est plus facile de trouver ce genre de magasin, je ne sais pas comment font les gens hors de Paris, et dans les provinces lointaines encore moins. L’argentique n’est pas mort, la boutique est toujours pleine, ça défile en terme de clients. Et je vais leur apporter la pellicule que j’ai commencée et vais finir pour retrouver le plaisir de toucher la photo, comme j’ai celui de toucher la musique encore avec les vinyls et les cd. Après pour le super 8 ça doit être un peu plus compliqué. J’avais appris à mettre l’effet « super 8 qui saute » dans Final Cut Pro pour vieillir les images numériques ^^^. Bon du coup je crois que je vais faire mon billet de blog sur Caméra et vous citez tous les deux
Tu sais je parle en général, et je sais bien que ce n’est pas complètement mort. Il reste bien quelques commerces spécialisés qui survivent en effet à Paris. Et c’est vrai que pour la photo ou pour le vynil, on a une certaine stabilisation du marché qui permet d’avoir des perspectives et même un peu d’investissements. Mais on est tout de même sur des « fins » de technologie et des outils de production rentabilisés depuis longtemps, mais de là à se dire que c’est l’avenir, je ne pense pas. Et pour le Super 8, c’était à l’époque impossible de trouver des films en France, je n’avais vraiment trouvé qu’en Allemagne, idem pour le développement. Et les dernières usines qui concevaient les cartouches fermaient, donc je ne sais pas si ça s’est arrangé depuis. Mais c’est peut-être le cas !!!
oui, pour le super 8 le marché doit être plus petit et concerne surtout des archives vu que sa qualité est sans aucun doute largement inférieure à la moindre caméra actuelle. Un coup de google: développement super 8 à Paris, ça existe encore, je ne sais pas si ce sont ds trucs ouverts récemment. Et on trouve des tas de chose « super 8 » sur Amazon. Je viens de vérifier je pourrai encore acheter des cassettes DV pour mon caméscope à la cave… par contre pour numériser le contenu, je ne peux plus : je n’ai plus de Firewire sur mes Macs depuis des années… Et pourtant c’est du « Digital » . Je ne sais même plus si cette caméra fonctionne encore. Là aussi c’est une fin de technologie pourtant numérique, comme le CD qui n’est plus qu’une niche comme le vinyle, mais ça survit bien… pour combien de temps encore ?
Oh ça tient pas mal d’années les fins de marché comme cela, surtout depuis qu’on peut faire du commerce sur le web. Et ça va se prolonger encore avec de l’économie circulaire et de la récupération. Mais on est bien sur des marchés lentement décroissant.
C’est très émouvant ce genre de film ! dans les années 90, j’avais récupéré le film de mariage de mes parents, tourné en 9,5 mm, et que mes parents n’avait jamais vu. je l’avais transféré en Vhs, pour leur offrir à leur 50 ans de mariage ; émotion assuré ;-) J’ai toujours ce film, et je voudrais le repassé en numérique mais il faut que je trouve une boutique qui le fassent, j’ai bien trouvé sur internet, mais confié à la poste un tels trésors, me fait un peu peur !
Et pour ta caméra, Une Bell&Howell, c’était de l’exelente qualité, garde là précieusement, j’en ai une dans ma collection d’appareil photo qui c’est agrandis avec quelques caméras que je ne pouvait pas laisser jeter ;-)
À la lecture de ma réponse, je rigole ; j’ai séché sur ce thème pour en faire un billet sans grans intérêt, alors qu’en fait, ben j’avais de la matière :-)
J’adore !
Pour les 60 ans de mon père j’ai numérisé toutes les vidéos qu’il avait tournées, pour en faire un DVD…
Maintenant c’est sur YouTube !
Oh c’est trop cool ça !!! Il devait être super content.
https://youtu.be/-sbDlAINKv0