Sitôt arrivé à Madagascar, il s’est enquis des prix. A son grand soulagement, ils n’avaient pas changé. Du coup, il pense maintenant tripler sa mise. Car il a réuni un lot idéal : deux tiers d’hommes et un tiers de femmes, pas moins de quinze ans et pas plus de vingt-cinq, de l’esclave au sommet de son rendement. Plus une petite troupe de négrillons et négrittes, certains encore au sein. Un lot parfait, vraiment, du moins tant qu’ils resteront dans l’état où ils étaient le 22 juillet, jour de leur embarquement. Malheureusement, au bout d’une semaine à fond de cale, dans le noir et sans la moindre aération, il a beau les faire remonter sur le pont deux fois par jour pour les aérer, ils commencent à se défraîchir. Et si le vent persiste à ralentir L’Utile, on pourra les forcer tant qu’on voudra à bâfrer et à danser, c’est inévitable, ils vont dépérir. C’est la vieille loi de la traite : plus les jours passent, plus les esclaves trépassent. Et plus l’argent du négrier s’envole en fumée.
Citation extraite de « Les Naufragés de l’île Tromelin » d’Irène Frain. Page 59-60.
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