MatooBlog

Pectus est quod disertos facit. ∼ Pédéblogueur depuis 2003 (178 av LLM).

Dialogues de muets

Cela faisait longtemps que je n’avais pas passé le week-end chez mes parents, mais là je ne pouvais plus faire l’impasse. Je suis toujours déchiré entre mon désir d’aller les voir pour passer du bon temps avec eux et leur faire plaisir, et la peur d’être confronté aux mêmes décalages, problèmes de communication et divergences d’opinions auxquels je fais face depuis plusieurs années (et eux aussi certainement, mais peut-être pas avec la même acuité).

Heureusement vendredi soir, j’ai passé une très bonne soirée en bonne compagnie, dont Diegito qui était en visite de Bruxelles et qui dormait chez moi (à qui j’ai prêté mon appart pour ce soir d’ailleurs). Eh oui, vendredi soirée StarAc avec la madone en guest, nous ne pouvions pas décemment manquer cela. Chaleureusement accueilli par Fabien, avec pas moins de huit hommes en chaleur et bouillonnantes phéromones, nous avons bien ri et conversé devant la téloche jusque pas d’heure.

Je suis rentré sur Cergy samedi après-midi, et nous sommes allés faire un tour dans une ferme bio où ma mère voulait acheter des légumes. Sooooo trendy mummy ! Juste à côté des étangs (à trente secondes de Cergy on peut facilement se retrouver en pleine cambrousse), on trouve donc un cultivateur qui pratique l’agriculture bio et qui vend directement ses produits aux consommateurs. On entre dans une sorte de cave voûtée et là une odeur incroyable me met les vibrisses au garde-à-vous tandis qu’un éventail de couleurs et de formes nous régalent les papilles oculaires. A force de faire ses courses en supermarché, on en vient à oublier que les légumes ont des odeurs. C’était un mélange d’herbe coupée avec toutes ces fanes, ces herbes aromatiques (persil et basilic surtout, une merveille !) et de terre. C’est marrant de choisir des carottes qui ne soient pas sorties du lave-vaisselle, des tomates pas forcément belles, juste rougeaudes et pas bien calibrées, des pommes de terre d’une race peu commune et toutes sortes de cucurbitacées inconnues au bataillon. De plus, le type parle assez bien de ses légumes et a un discours « économique » que j’ai trouvé assez intelligent (et pas poujadiste sur le coup).

Il a un système assez original de « paniers ». Il s’agit de s’abonner pour trois semaines minimum pour une somme forfaitaire assez modique, et de venir chercher hebdomadairement un panier de légumes bios mais sans en connaître à l’avance le contenu. Il nous expliquait que ça commence à devenir un peu difficile pour lui puisque l’automne est bien installé, mais que cet été il s’en est donné à coeur joie pour composer ces cageots, et que c’est un grand succès. Les gens redécouvrent ainsi des légumes qui n’ont rien à voir avec le traditionnel tomate-concombre de l’hypermarché du coin. Je crois que ma mère a été conquise. ;-)

Et puis je recommence avec mes petites frustrations familiales dont je parle quasiment à chaque fois que j’évoque ma relation avec mes parents… Et le pire c’est que je les sens parfois aussi désemparé que moi, mais bon je me fais peut-être des films. On discutait des banlieues ou même du régionalisme linguistique, et j’ai l’impression que lorsque je m’exprime, ils me prennent pour un intello relou (ce que je suis certainement). Et moi ça me fait chier de réduire nos échanges à de telles banalités, j’ai envie de trucs un peu plus consistants un peu plus stimulants. C’est comme quand ma mère me demande ce que j’ai vu au ciné, et que je lui parle de ce que j’ai pensé « vraiment » du film. Au delà de « c’était bien, passable, génial, nul à chier » (rayez les mentions inutiles), elle décroche complètement et se moque du reste. Ne parlons pas des expos… J’ai aussi voulu leur faire écouter la chanson d’Anis, « Cergy », et je pensais que ça ferait mouche, mais non. Rien à taper apparemment… et quand je commence à dire ce que je ressens par rapport à cela, de la justesse des paroles et des souvenirs que cela fait remonter, je sens que je gêne. Autant il y a quelques années, j’ai la sensation que j’avais réussi à atteindre avec eux un niveau de communication et d’échange exceptionnel (et qui me faisait un bien fou), autant aujourd’hui nous allons de Charybde en Scylla sans qu’ils en aient manifestement conscience ou en ressentent des désagréments.

Bon, putain, je sais qu’il faut que ce soit moi qui renonce. Il faut que je me dise une bonne fois pour toute que c’est terminé, et que c’est pour tout le monde pareil. Mais alors, je rentre dans ce jeu psychologique que je ne supporte pas, où ma mère me fait culpabiliser parce que je ne viens pas les voir, et moi j’invente presque des excuses pour cela. Avant, j’aurais expliqué cash que j’avais une sortie de prévu ou je ne sais quoi, et elle aurait dit « c’est cool t’as raison » ou même aurait proposé qu’on se voit à Paris. Aujourd’hui, il faut que je me déplace absolument, que je passe une nuit au moins, et j’ai droit à un insidieux chantage affectif (ou alors ça s’en rapproche subrepticement). Et le pire du pire, le fin du fin, elle commence à agir avec moi exactement comme elle se plaint de ma grande-tante avec elle. Et donc, je suis en train de faire moi aussi la même chose. CQFD. :mrgreen:

J’ai tellement envie (et c’est un de mes gros problèmes) que la sincérité, le dialogue et l’ouverture permettent de mettre cartes sur table, de reconnaître ses propres erreurs, d’aider autrui à reconnaître les siennes, et de progresser ainsi dans un rapport mutuel plus serein et harmonieux (Alléluia !). Or ça ne fonctionne vraiment pas comme cela avec tout le monde, j’ai pu expérimenter cela il n’y a pas si longtemps en amour ou en amitié, et donc en famille plus que jamais. Personne n’est parfait, et j’aime les gens avec leurs défauts et leurs qualités, mais il est vraiment indispensable d’avoir conscience des unes comme des autres (cela vaut pour bibi !).

Enfin je me connais, je dis que j’abandonne, mais je vais encore essayer un tantinet… :gene:

  • ah ! la famille ! Pouvoir caser en deux phrases un « Charybde en Scylla » et un « putain » rageur prouve bien que la famille est un concept très compliqué… si ça peut te rassurer c’est pareil pour moi quand je vais voir mes parents, et je te raconte même pas les négociations préalables avec mon mari ! ma mère est une belle-mère épouvantable…

  • Les parents, c’est une catégorie à part. J’ai une copine qui me soutient « qu’il faut leur laisser leur chance », qu’il faut prendre la peine de leur expliquer, à fond, ce qu’on pense. J’ai abandonné, j’essaie juste de réussir à ne pas faire pleurer ma mère quand je la vois… :roll:
    En fait, il faut cesser de les vouloir heureux, on n’est pas responsable de leur bonheur, et de toute façon, on ne sait pas ce qui les rendrait heureux (mais on a toujours l’impression qu’ils sont en train de se planter…)

    Y’a la méthode qui consiste à ne jamais re retrouver seul chez eux : tu ne peux pas appeler systématiquement une cousine à la rescousse?

  • Ah ! les paniers surprises de « vrais » légumes. Une bénédiction que les lyonnais avertis (c’est à dire 3 ou 4 personnes) pratiquent avec certains paysans de l’Ain ou du nord Isère. Et en plus, on nous livre les paniers ! Même si parfois ça frustre de ne pas trouver ce qu’on veut, on renoue avec les (semblants de) saisons.

    Pour le reste du sujet, c’est marrant de faire le parallèle entre le « manger vrai » et les relations parentales. L’hésitation constante entre du vite-fait-sans-saveur et l’effort pour être authentique mais qui nous éloigne de la perfection rêvée…

    Pour les parents, on se pose trop de questions. Ils ont compris avant nous que les êtres n’étaient pas parfaits. Mais ils continuent à nous le reprocher. Je crois qu’il faut les aimer sans concessions, et sans conditions non plus. Et en profiter, tant qu’ils sont encore là. Ça sera toujours à nous de faire l’effort ! :mrgreen:

  • Pourquoi la vie familiale devrait – t -elle ressembler à un blog ?
    D’ailleurs, pourquoi serais tu l’auteur du blog en question ?
    est-ce que tu ne serais pas gêné si dans la famille chacun exprimait ses sentiments profonds sur telle ou telle chose et en particulier quand tu étais enfant ?

    C’est comme les gens qui disent regretter que leur parent ne leur ai jamais dit « je t’aime » à la Mickael Jackson ou Madonna en fin de spectacle ! alors que le simple fait d’avoir été vêtu, nourri, soigné etc. est une preuve largement suffisante et évidente de cet amour.

    Le small talk et le non-dit sont les attitudes qui conviennent en famille et les vrais sentiments s’expriment par les actions.

    Si tu cherches une raison d’aller visiter ta famille sans contrepartie, en voici 2 :

    1- On devient adulte quand on comprend qu’on est amené à devenir les Parents de ses Parents et ce que cela implique.
    2- Comme on ne peut jamais rendre à sa famille autant qu’elle nous a donné on doit non seulement répondre à ses attentes élémentaires, mais également l’honorer.

  • BrunoNation> En fait cela je le fais déjà aujourd’hui. Mon problème ne vient pas d’avoir eu une famille avec laquelle je n’étais pas heureux. Au contraire, je me désespère de ne pas retrouver ce que j’avais avant avec eux. Et même si je sais que j’ai changé et eux aussi, je reste sur cette frustration de ne pas retrouver la concorde d’avant. C’est tout.
    Donc je continuerai à y aller et à les aimer, mais je devrais me satisfaire de la médiocrité de nos rapports, et encore ils deviendront de pire en pire. Et ne rien pouvoir dire ou faire contre cela me désole. Je ne leur fais pas un procès, ça m’attriste c’est juste ça. Et je le dis. ;-)

    Je te trouve bien péremptoire quant à ta manière de dire ou faire ce qui est bien ou pas en famille. J’ai eu des parents avec lesquels je pouvais discuter et dialoguer. Ils me conseillaient tout en se remettant en question avec intelligence et humilité, donc je les écoutais. Je ne dis pas qu’il faut tout se balancer à la gueule, ou jouer les Jerry Springer à la maison. Pas du tout ! Mais simplement avoir avec ces gens dont je suis (et serai jusqu’au bout) si proches des échanges qui vont un peu plus loin que de l’informatif ou du factuel de base. J’ai l’impression de régresser, et cela me peine sincèrement.

  • Je ne me permets pas de te donner des conseils sur les relations filiales bien sûr. Il s’agissait plus d’une démonstration que je reformule pour voir la chose – les rapports avec ses parents – d’une autre façon :

    Chacun admet que, même s’il n’est pas toujours très intéressant du point de vue du contenu pour un parent de parler avec son enfant, il est néanmoins de son devoir de le faire (sinon, l’enfant n’a aucune chance de se développer normalement). Ma remarque est la suivante : en devenant adulte, les rôles s’inversent peu à peu, et l’on devient hélas les parents de ses propres parents. Et l’on doit le faire – et cela est rarement admis – parce que l’on a une dette – physique, sociale et morale – envers sa famille.

    La qualité des rapports n’est plus liée au contenu des rapports à ce niveau d’après moi, un peu comme le rapport parent/enfant.

  • encore un post qui questionne…:roll:
    ce que j’en ressors c’est que plutôt que d’essayer d’échanger des choses tu t’en sors mieux quand tu vis ces choses avec tes parents.
    Comme cette sortie avec ta môman, au moins c’était du réel pas du factuel.
    Quand la communication bloque, il faut passer à l’action, ça redonne des bases de discussions communes, c’est assez enrichisant;-)

    valà ça fera 75€!:mrgreen:

  • Je suis père de 3 enfants (entre 25 et 30 ans et 2 fois gd père) y en a qui vont rigoler mais bon!!.je comprends ce que dit matoo je le ressens avec mes enfants ou nous n’arrivons plus à trouver la complicité et les échanges que ns avions qd ils étaient plus jeunes à la maison, ils tracent leur chemin ont d’autres priorités et centres d’intéret que les miens c’est la vie :on donne une impulsion de départ et chacun trouve son chemin qui n’est pas nécesairement celui que les parents souhaitaient.Il y a frustation des 2 cotes : va voir tes parents qd tu en as envie discute avec eux de ce qu’ils peuvent entendre et un jour il y aura une étincelle.avec mon ainée ns échangeons des livers alors que ns ne le faisions jamais avant avec la 2ème ns parlons boulot car elle fait le mme métier qe moi et comme je suis retraité depuis peu j’aime bie,n çà.Avec mon garçon j’ai eu des relations tres conflictuelles jusq’a ce qu’il parte vivre au brésil ns ns voyons une ou 2 f par an et j’essaie d’apprendre le brésilien : pas évident pour qqun qui a fait un peu d’espagnol!!
    Bruno nation :je ne sais pas qel age ont tes parents mais ne les enterre pas trop vite!!et ne les infantilise pas trop rapidement la qestion se pose avec ma mère qui a 87 ans est presqe aveugle ne marche presque plus et vit seule ds 1 village de l’aveyron etconteste la présence des heures d’1 femme de ménage car elle estime ne pas en avoir besoin et refuse d’alller en maison de retraite -èvidemment

  • Alain, face à un enfant on ne peut méconnaître l’expression de sa propre volonté (ne serait ce les pleurs et les cris) tout en éprouvant me semble-til à la fois une tendresse et une inquiétude quant à sa fragilité et sa dépendance. Il me semble que c’est exactement ce que tu exprimes dans ta relation avec ta mère (besoin de femme de ménage évident et opposition) ! Je pense que cette relation commençait à s’installer très tôt autrefois et plus tard aujourd’hui. Pour de nombreuses raisons, quand j’avais vingt ans j’ai senti que je devais devenir – discrètement – le père de mon Père (à cause de la maladie et des difficultés financières y conséquentes).

    Quant à la qualité de la relation, elle dépend de l’attitude des deux parties c’est évident. Moi, j’ai de la chance, plus le temps passe, mieux je m’entends avec ma maman.

  • Pour mes 30 ans j’ai eu à renouer avec ma famille… renouer, c un peu fort, mais dfepuis mon arrivé sur Paris je ne les vois que tous les 3 mois env. et rarement ensemble. Je me suis donc retrouvé dans une réunion de famille digne d’unsoap… Et j’ai surtout mesuré tout ce qui nous sépare. Si je restre très proche de ma mère (cliché ? ^^), je n’ai plus grand chose à partager avec le reste de ma famille. Ni avec mon père ou mon frère, ni avec mes cousins. A chaque nouvelle visite je découvre quelque chose, une petite mesquinerie ou un petit bonheur. Et puis ma gayattitude reste un sujet trèèèèès tabou. Mais j’ai surtout l’impression d’avoir de moins en moins de prise sur leur quotidien. Sans être un étranger, je me « transforme » en ami proche. C’est très déconcertant de les voirs parler entre eux de toutes ses petites choses qui font leur quotidiens sans y être totalement intégré. Moralité, j’ai volontairement écourté mon séjour lyonnais qui devait durer une dizaine de jours dès la fin du premier week-end. :roll:
    Mais tout n’est pas noir… j’ai quand même de beaux souvenirs.

  • Désolée, mais je ne suis pas d’accord avec cette histoire de dette vis-à-vis de ses parents. J’ai rarement vu des parents avoir des enfants pour leur bien ;) Faut-il faire payer à un enfant le choix qu’on a fait soi-même pour soi-même ? Après je comprends que le dévouement d’un parent appelle naturellement un mouvement de l’enfant vers ses parents, mais là encore, il est difficile d’évaluer la balance des dons donnés et reçus par les parents et les enfants. Pour ma part, j’estime avoir payé un prix très élevé ce que j’ai reçu… La nourriture, les vêtements et les soins ne sont pas forcément une preuve d’amour, c’est toute la différence qu’il y a entre l’élevage et l’éducation… Je comprends qu’on ait du respect pour sa propre famille, mais étendre ce respect à La Famille en général me semble vraiment excessif. Il n’est pas nouveau que la famille est souvent le cadre de situations destructrices pour les enfants. Affirmer la sagesse de tout parent, c’est nier la souffrance de tant d’enfants…
    Désolée d’être un peu crue ou un peu dure, mais c’est un sujet qui me touche beaucoup…

  • Ceci dit, Matoo, si tu es arrivé à développer de la communication et de l’échange avec tes parents, je comprends trop bien que tu essaies encore et que tu lâches pas l’affaire !

  • Je voulais dire aussi qu’affirmer la sagesse de tout parent, c’est aussi limiter le mérite de tous ces papas et de toutes ces mamans qui se mettent en quatre pour rendre leurs petits bouts heureux, les aider à grandir et à évoluer sur leur propre chemin… Moi je trouve ça héroïque !

  • -> Fabienne

    Tu as bien compris ce que je voulais dire – tout en étant pas d’accord avec moi – et sans en tirer toutes les conséquences. Je suppose que c’est parce qu’elles sont très opposées au sentiment ambiant. C’est un peu la même chose avec la remarque de Matoo en moins direct.

    Je reprends. Ce que je dis, c’est que la dette de l’enfant, ne dépend pas de la qualité de l’éducation qu’il a obtenue ni même de la volonté explicite des parents de vouloir le bien de l’enfant. Le seul fait pour les parents d’avoir
    – mis au monde l’enfant
    – de l’avoir nourri, vêtu, logé (même dans un bidonville)
    – de lui avoir parlé (au moins de temps en temps) et donné la possibilité d’avoir une langue (même très frustre)
    et quand bien même l’enfant aurait été batu, incompris etc. fait de la personne un débiteur universel envers sa famille et la nation au sein de laquelle il a grandit : il n’aurait eu aucune chance de survie sans cette famille ou cette nation (même s’il ne souhaitait pas vivre a posteriori, on peut toujours se suicider !) et donc il ne pourra jamais rendre autant qu’il a reçu. C’est pourquoi s’impose à lui
    1- le devoir d’essayer de rendre (donc assistance matérielle, psychologique, sociale , morale etc) envers sa famille et sa nation (des plus proches aux plus lointains)
    2- le devoir d’honorer sa famille et sa nation pour tenter de compenser cette dette inextinguible.

    Il ne s’agit pas d’un contrat en volontés égales mais de soins unilatéralement prodigués. La justice commande donc ce devoir d’honorer.

    Maintenant, je comprends parfaitement, qu’une personne, en comparant, s’estime moins favorisée. Cela n’ôte pas la dette.

    PS : quand j’étais tout petit, j’ai eu honte de mes parents de conditions ouvrières alors que mes petits camarades de classes avaient des parents plus cultivés, plus ouverts, plus beaux (d’après moi) plus intéressants … Cela ne change rien.

    Je pense que les personnes qui ont un problème avec cette dette sont en quelque sorte dénaturés. Pardon d’être un peu dur moi aussi Fabienne …

  • Brunonation : merci pour ton commentaire de développement de ta position, c’est très stimulant de croiser des personnes qui ont des opinions parfois diamétralement opposées aux nôtres, ça permet de savoir où l’on en est :)
    Matoo : En tout cas c’était un post super intéressant !

  • Dénaturés???? Je rêve ou l’on est un plein eugénisme. Une dette ? Je ne le crois pas. Une pression sociale, un ciment sans lequel une société s’effrite comme

    lorsque qu’un tabou est transgressé — sans doute. Mais une dette ?

    Peut-on réellement émettre en toute intelligence des généralités sur ce qui relève du plus intime, plus encore que la sexualité, à mon avis. Pourquoi suis-je né ? De

    quel amour suis-je le produit ? Vais-je donner la vie ? Quelle sera ma responsabilité si je la donne ? Du jour où j’ai franchi le pas, à quarante ans, de faire un premier

    enfant, se sont instantanément écroulés les pilotis sur lesquels végétait une relation perpétuellement conflictuelle avec ma mère.

    Enfant non désiré, certes pas abandonné, mais traité depuis le plus jeune âge comme un adulte, à qui l’on fait peser depuis toujours le poids de l’abandon, j’ai

    longtemps souffert de ce sentiment de dette. Séchez vos larmes, ça n’était pas Cosette, même pas du Jean-Luc Lahaye. Juste quelque chose dans l’air comme une

    pesanteur, une impression toujours vivace d’être de trop, de gêner, de ralentir le cours du bonheur. Au fil du temps, de l’exploration des traumas de mes

    contemporains, le poids s’est fait plus léger, mais ce flottement un peu rance comme plus envahissant. Je n’ai pas de souvenirs d’enfance heureux. Du plus loin qu’il

    m’en souvienne, depuis qu’une main a repoussé la mienne, je sais que j’avance en terrain découvert.

    Après l’enfance, pendant plus de vingt ans, j’ai cru de mon devoir de payer ma dette, de maintenir cette relation à flot, de simuler une situation de famille. Rien ne fut

    en réalité plus éloigné d’une famille que cette relation duelle n’offrant aucune sécurité, juste un lien très fort, mais ancré sur rien, comme une énorme chaîne à la

    dérive. L’abandonnée c’était Elle, le malheur n’étant, ne pouvant être que de son côté à Elle.

    Il était même un temps où, interrogé sur ma vie de couple infécond après quelques d’années, je pensais juste de répondre que je ne croyais pas à l’enfance. Un jour,

    timidement, j’ai compris que c’était mon enfance qui n’était pas croyable.

    Au moment même où se posait de façon de plus en plus pressante la question d’un enfant — voire plus, le thème de la dette est revenu au premier plan, avec un tout

    autre éclairage. La dette, elle allait venir avec cette responsabilité de concevoir un enfant. Suis-je fainéant, manqué-je d’énergie ? Toujours est-il que m’est apparu très

    clairement la part d’égoisme dans la volonté de perpétuer l’espèce. C’est son avenir que l’on sauve en ayant un enfant. J’ai donc levé l’hypothèque sur mon passé, et

    de façon la plus radicale.

    Je ne vois plus ma mère, refuse définitivement de lui présenter nos enfants. D’ailleurs, elle ne le réclame pas, c’est une autre histoire… J’ai le sentiment de ne plus

    rien lui devoir. Elle a saccagé mon enfance. Je lui ai consacré une partie non négligeable des 25 années suivantes. Elle n’a rien su en faire, trop tard, tant pis pour elle,

    passons à autre chose. J’ai toujours beaucoup d’amour à donner, ces petits avides de le recevoir, qui le réclame et à qui je le dois. Elle est là, ma dette. Parfois, il faut

    réviser ses classiques Herta et retrouver le goût des choses simples.

    Je n’ai peut-être pas le coeur assez vaste. Que faire de cette information ? Une fois qu’on l’a dit, on a rien dit. Mais cette obligation dans laquelle nous place la Loi de

    subvenir aux besoins de ses parents me met en rage. Personne ne sera jamais là pour ‘déduire’ tout ce dont j’ai manqué. En vertu de quoi devrais-je débiter la famille

    que je me suis construit au profit de qui s’est contentée de me tenir sur le bord du nid ?

    Oui, j’éprouve de la haine, qui grandit à mesure de cet émerveillement quotidien de voir grandir mes enfants. C’est tellement facile, tellement fort, tellement beau et

    satisfaisant d’aimer un enfant ! Litanie de poncifs à laquelle j’avais rêvé d’échapper, mais la réalité m’a rattrapé.

    Alors de grâce, qu’on ne vienne pas me parler de dette envers son/ses parents. Je me sens plus redevable à l’Ecole de la République et à notre système de

    protection sociale, s’il faut en parler. Bien entendu, m’ayant lu, on sera autorisé à penser : celui-là fait exception, il est un cas spécial. Sans doute. Comment alors

    expliquer que je croise, sans les solliciter, je vous le jure, Monsieur le Procureur, d’anciens enfants de tous âges qui, eux aussi, ne se sentent que peu de dette vis à

    vis de leurs parents ?

    Cela fait mal, cela attriste. Il doit bien y avoir dans le lot de bons gros salopards qui ne pensent qu’à leur gueule. Soit, il n’empêche. Il devait bien y avoir aussi dans les

    15 000 morts isolés de la canicule de 2003 des coeurs secs, des marâtres, des pères abusifs et de vieilles chouettes aigries, confites de rancoeur. J’en suis sûr, j’en

    connaîs. Je ne me suis jamais senti aussi heureux que depuis m’être libéré de ce boulet, depuis que je me déclare affranchi de cette dette. Et ce bonheur est comme

    une offrande faite à ma compagne et nos enfants.

    Matoo, je mate ton blog depuis quelques semaines. Désolé de passer du statut de lurker à celui de poster d’aussi envahissante manière. Promis, j’le f’rai plus !

  • Cher Christophe,

    Même si le raisonnement de voter message m’échappe, je suis très sensible au flot de sentiments, d’émotions, d’images et à l’aspect « littéraire » dudit message.

    Cela doit êter super pour la famille d’avoir un papa aussi sensible et littéraire (moi je suis homo, et l’image du père hétéro – donc mon Père – est celui de quelqu’un froid introverti dur à l’ouvrage au grand coeur bien que ne l’exprimant jamais !)

    Et puis, aucune rupture n’est jamais définitive. Simplement après la mort de votre mère, la relation continuera tant que vous penserez à elle, mais elle sera simplement figée. Cela sera peut être encore plus dur à ce moment là de gérer cette relation …

    Merci Fabienne. Et si vous donnez plus à vos enfants encore en vous décarcassant, eh bien, c’est super pour vous comme pour vos enfants.

  • Chronique intéressante et réponses idem. Les « relations » avec les parents, qui peuvent toujours être meilleures, cela fait aussi partie de la « crise des trente ans ». Le temps passant, cela s’arrange…

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