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Pectus est quod disertos facit. ∼ Pédéblogueur depuis 2003 (178 av LLM).

Un simple accident (Jafar Panahi)

Après le film d’hier, j’avais besoin de voir autre chose, et donc découvrir la Palme d’Or 2025 était un parfait exutoire. Et comme c’est un bon film, ça fait un bien fou !! Un film de cinéaste, un film avec une histoire, et un contexte politique, social et humain singulier, des comédiens et comédiennes qui tiennent la route, et une caméra avec un regard qui interpelle. Après le film n’est pas non plus parfait, mais tout de même c’est une véritable réussite qui méritait bien ses prix et son succès.

C’est suite à un « simple accident » qu’un type et sa famille (son épouse enceinte et sa petite fille) doivent s’arrêter dans un endroit et demander de l’aide pour redémarrer leur véhicule. Mais voilà que Vahid entend le type marcher du fond de son lieu de travail, et il tremble d’effroi… Le grincement de la prothèse de jambe du type lui rappelle immédiatement son ancien bourreau (on comprend qu’il a été en prison pendant plusieurs années et qu’il a subi un calvaire). Sur un coup de tête, il le kidnappe et veut l’enterrer vivant dans une zone désertique. Mais évidemment le type dément être le fameux « Eghbal », et Vahid a un doute. Il va alors voir un ancien co-détenu ayant aussi été torturé par le gars pour en avoir le cœur net. C’est ainsi qu’il est tour à tour mis en contact avec d’anciens compagnon d’infortune, tous traumatisés par leurs emprisonnements et ce tortionnaire. Ils vont se questionner sur qui est ce type, ce qu’il faut lui faire…

Inutile de dire que le film est très lourd sur le sujet très politique et très actuel de l’Iran, et surtout avec un réalisateur qui a été en prison, et qui est encore aujourd’hui couramment menacé, mais continue à tourner en prenant les plus grands risques. Le film en lui-même est aussi une prouesse puisqu’il est tourné avec des extérieurs pour lesquels il n’a bien sûr eu aucune autorisation. Les femmes ne sont pas toutes voilées, ce qui est également interdit.

Ce qui est intéressant et troublant, c’est aussi que l’auteur ose un mélange de genres hallucinant et génial. D’ailleurs cette juxtaposition d’ambiances ferait un peu penser à Parasite avec cette incroyable faculté de passer du film politique, au thriller, à la peinture de mœurs, à la comédie absurde et au mélodrame. Et il faut le faire pour réussir cette alchimie, mais c’est sans doute l’immense réussite de ce film. Car Vahid rassemble Shiva qui est en train de faire les photos de mariage de son amie Goli (en belle robe de mariée) et son futur époux Ali. Or les deux femmes ont été emprisonnées et sont tout autant des victimes d’Eghbal. Et pour finir, il y a Hamid, un beau mec complètement déboussolé et encore largement atteint par les tortures, avec une colère irradiante et qui le consume pendant tout le film. Ce petit monde est dans le van de Vahid, et essaie de savoir ce qu’ils doivent faire de ce type, si c’est bien le bon bourreau, et comment se sortir de cette inextricable aventure.

Mais pour chacun ce parcours initiatique en forme de road-movie bancal, dans un Iran où la corruption généralisée les amènent à bakchicher toutes les deux minutes, et partager entre l’humanité de situations singulières (s’occuper de la femme enceinte de la fille d’Eghbal) et l’envie de faire disparaître ce type pour enfin avoir une forme de « conclusion » à leurs souffrances encore à vif, et à des séquelles qui (p/n)ourrissent encore leur quotidien physiquement et moralement.

Le film nous emmène aussi, nous spectateurs, dans la camionnette avec une caméra, curieux témoin oculaire, qui nous fait partager les doutes et les souvenirs de torture, et les douleurs encore vivaces. Tout cela est supportable par ce mélange de genres, et par cette légèreté qui existe encore, même dans un monde insupportable. Le rythme est très soutenu, et on n’est vraiment pas dans une ambiance lymphatique ou contemplative, avec parfois justement un peu trop d’hystérie pour moi, mais juste un brin.

La fin est un retour formel à la scène initiale, avec un même gimmick très habile qui est lourd de signification, alors qu’il était assez mystérieux pour nous au début. On peut alors imaginer plein de choses, mais donc allez le voir !! C’est beau du cinéma comme ça ! Avec des codes cinématographiques assez universels pour nous toucher au cœur et au cerveau, et nous permettre de nous identifier avec ces personnages dont pourtant le quotidien est si différent, mais dont l’histoire peut ainsi parfaitement nous interpeler.

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