MatooBlog

Pectus est quod disertos facit. ∼ Pédéblogueur depuis 2003 (178 av LLM).

Pyrolyse sociale

Comme j’en ai parlé en commentaire, et que le sujet chauffe, que j’ai reçu quelques mails à ce propos, je vais juste répéter dans ce post ce que j’ai déjà dit.

On m’a donc gentiment tancé sur le fait que je n’ai pas évoqué les événements du moment dans les banlieues. Je voudrais juste préciser que je ne suis pas journaliste ou éditorialiste, juste un blogueur à deux francs cinquante (la preuve, je parle encore en franc tiens !).

Voilà en gros ma réponse qui ne se voulait pas agressive mais simplement ferme (wow on dirait du Sarko !) :

C’est bien mal me connaître que de présager que je suis dans mon Paris douillet avec mon ipod sur les oreilles, et que je me fiche de ce qui se passe à l’extérieur. Je ne me sens pas obligé de parler des sujets dont je n’ai pas envie de parler, et celui-ci en fait partie pour deux raisons.

La première est toute personnelle, la banlieue je la connais car j’y suis né, et j’en viens, ma famille vit justement cela au coeur même. Je me sens donc particulièrement concerné, et en même temps je n’ai pas envie de faire un billet où j’évoque mon expérience alors que je suis aujourd’hui un bobo pédé parisien de base. Donc c’est tellement proche de mes préoccupations et cela me touche tellement, qu’au contraire ça ne transpirera pas dans le blog. Je sais c’est paradoxal, mais pas tant que cela.

La seconde est beaucoup plus « rationnelle ». Nous sommes le nez dans ces problèmes, on n’a aucun recul pour en parler. Aucun. Je ne peux (veux) pas me permettre de diffuser un jugement à l’emporte-pièce ou bien de véhiculer les poncifs de droite, de gauche et consorts, et non plus le catastrophisme médiatique. Donc j’attends que ça se calme pour y voir plus clair, et ainsi pouvoir un peu y réfléchir.

Cela ne m’empêche pas de me tenir au courant, et d’y penser. Car, Ô nouvelle, mon blog ne reflète pas 100% de mon existence. Je fais, dis et pense des choses en dehors même de cet outil de diffusion de mes billevesées.

Néanmoins, j’ai réagi à un billet de l’ami Edouard qui s’interrogeait justement avec candeur sur ce phénomène « incroyable ». J’y ai mis en quelques lignes un bon condensé de ce que je pense sur le sujet.

J’espère que cela satisfera ta curiosité, et te renseignera un peu plus sur ce que je suis. Je ne parlerai jamais de choses sur lesquelles je suis trop incompétent. Et je ne permets pas qu’on me juge sur mon blog, ce que je dis, comment je le dis, c’est trop facile.

Et voilà en gros, finalement, ce que je pense de cela (chez Edouard) :

En tant que petit gars né en cité en banlieue, cela ne m’étonne pas tant que ça. Ceux qui en sont tellement épatés n’ont jamais mis les pieds en banlieue ou dans des coins craignos. Et je pense que c’est la même chose aux US, comme dans pas mal de pays. Donc étonné non, inquiet et triste, oui. Ce n’est pas une histoire de « France » ou de grandes théories, ce n’est que de la pauvreté… sociale, intellectuelle, matérielle.

Un phénomène insondable mais qu’on a mis sous couvercle depuis des dizaines d’années. La pression est trop forte, le couvercle a sauté.

Le plus triste c’est que ce n’est même pas un truc politique ou une démarche rationnelle basée sur un ras-le-bol. Ce n’est pas la Commune de Paris ou mai 68, ou encore les « riots de LA ». Non non, on a affaire à des teubés qui crament des bagnoles ou foutent la merde juste parce qu’ils n’ont rien d’autre à faire dans la vie. Pour le fun, pour montrer qui pisse le plus loin. Impossibles à raisonner, ni à intégrer dans notre société.

Ils ne rêvent que des modèles imposés par la télé : thune et célébrité. Passer à la StarAc, argent facile, voilà les valeurs de ces révolutionnaires modernes.

La faute à qui ? Nous sommes dans une société qui refuse de plus en plus la mobilité sociale, et qui en tout cas n’en est plus un des catalyseurs. Politique, économique (chômage, bas revenus, endettement), social (retour des valeurs religieuses qui séparent les gens, difficulté à trouver un job quand on n’est pas blanc, chacun dans son quartier, chacun dans son type de job, manque d’éducation familiale et de repères moraux). Tout est fait pour ça.

Quoi faire ? Je n’en sais rien. Quelques générations ont été manifestement sacrifiées, et je ne sais comment faire. Les réprimer ou les contenir sont des idées de droite, pisser dans des violons et faire du simulacre de pédagogie sont des idées de gauche. Les premières me paraissent injustes et non conformes à l’idée que je me fais de la démocratie, les secondes ont prouvé leur inutilité.

I’m lost.

J’ajouterais que je trouve injuste aussi la condamnation basique de ces voyous car je sais la sourde responsabilité de l’Etat dans cela, mais il faut bien faire quelque chose contre ce mouvement de destruction et de folie de masse.

Vraiment le plus triste dans tout cela, c’est qu’il n’y a aucune revendication derrière. Non ce n’est vraiment qu’une simple expression de crasse bêtise. Alors il faut remettre les pendules à l’heure, mais ça ne va pas être facile. On s’est tellement barré en couilles depuis des dizaines d’années. Il faut croire en l’éducation (pour que la prévention fonctionne) et lui donner les moyens, mais il y a tant à faire (les logements pourris, la précarité du travail, la religion, la misogynie, l’homophobie, l’école, le racisme, la mixité sociale…).

  • Que la France t’entende ! voilà une réponse juste, adulte et réfléchi. merci Matoo. Avez-vous « Arrêt sur image » transmis sur la 5ème aujourd’hui et vous comprendrez la réponse de Matoo.

  • Moi, au contraire de klostergars, je suis ravi que tu ne parles pas de cette triste et révoltante actualité. D’abord parce que, comme tu le dis, ton blog est juste un blog, pas un site d’infos, de journaliste ou de politique. Et puis ensuite, parce que merde, ça me fait mal de voir tout ce qui se passe dans mon pays, moi qui en suis loin… et qu’égoïstement, ça me fait du bien de temps en temps de pouvoir tomber sur des sites qui traitent de choses un peu plus légères… comme l’apparition d’un bonnet sur une statue. oui, ce n’est pas ce qui fait tourner le monde, mais ce n’est pas ta prétention et, bon Dieu, comme c’est raffraichissant !

    On aime ou pas ce que tu racontes ici, le principal est que ça reste le dernier de tes soucis. Continue comme ça mon Mathieu !

  • Effarant ces gens qui réclament de l’avis de bloggueur, comme si quelque chose leur était dû. J’avoue que je ne les aurais pas ramené au seuil de mes pensées de manière aussi amène.

  • Je suis avec toi Matoo sur le coup du « un blog n’est pas forcément un outil d’information », et qu’il y a des gens plus compétents pour juger de cela… c’est dans la lignée du label « blog sans contenu ».
    (ceci dit ton post a le droit d’exister quand même) :)

  • un truc interessant à lire, pour essayer de comprendre ce qui se passe une correspondance par internet entre un sociologue et un beur bossant en médiathèque : « pays de Malheur » de stephane Béaud et Younès Amrani…où semble-t-il il faut mettre le paquet sur l’éducation ..quand je lis le blog de Mr Soldignac, il y a du boulot à faire…
    En tous les cas, c’est vrai que tu parles très bien sur un sujet dont tu ne veux pas parler…

  • Je ne parlerai pas de ce qui se passe actuellement car je n’en sais rien. Les voitures brûlées sans revendication, par pure bétise il y en avait régulièrement, mais pas 1500 en un soir !! J’exprimerai ici seulement un vécu, mon vécu.
    D’abord je précise avoir grandi près de Thiais/Orly et y être resté jusqu’à 25 ans.
    Pas dans une zone pavillonnaire mais bel et bien avec autour de moi et du haut de 10 étages pour seule vision des séries de barre longues d’immeubles, une pharmacie, un supermarché et un terrain de foot. La mairie ou les associations nous proposaient pour 10 francs symboliques de jouer au foot, au tennis, du tir à l’arc, du judo, la piscine étant gratuite pour la plupart d’entre nous aux revenus faibles. Ne réalisant pas la chance d’avoir accès à ces infrastructures(parce que vivant ne monde clos on n’a pas une vision réaliste des choses), mes camarades n’hésitaient pas détériorer stupidement leurs propres vestiaires à coup de griffures et tags. La bibliothèque occupait une partie de mes samedi. Le week end l’activité principale est d’aller au centre commercial à plusieurs étages, non pas pour acheter mais pour traîner et mater les filles. Et oui, traîner est une occupation à cette époque. Le soir j’avais pour choix soit d’aller au Metropolis en boite de nuit où bien suivre une des bandes du bas de l’immeuble pour un cassage de cabine téléphonique (changés chaque semaine et re détruites le week end suivant de toute façon), s’amuser sur un abris bus en grimpant dessus, en faisant sauter les barres de néon. Autre possibilité avec eux : rester sur les rebords de pelouse à attendre, attendre quoi je ne l’ai jamais compris, sauf lorsque passe un mec avec une tête différente, objet alors de railleries. Revenons aux soirs où nous pouvions nous payer la boite de nuit. Sur place la tension est grande, au-delà des challenges pour attraper telle fille bien roulée, tensions de croiser des mecs d’une autre barre d immeuble. La notion de « fierté » d’appartenance à sa cité nommée Les Lozaits fait que l’ado devient un homme emporté lorsqu il croise une entité ennemie. Combien de bagarres sur le parking de cette boite ! Combien de couteaux ai-je vu défiler, de carreaux de bagnoles brisés. Inévitablement en peu de temps les notions d’honneur de sa tribu nous enchevêtrent dans des rixes plus poussées, vous savez il parait que untel de l autre barre a fait ceci sur unetelle blablabla… au final ça occupe un week end.

    Peu importe ce que vous penserez de ce récit. Il est mon vécu, vu de l’intérieur. Il ne nécessite pas de jugement ni de rattachement politique ou racial. Détruire et créer le conflit était un moyen d’exister, d’affirmer sa virilité, de conserver l’honneur de sa famille et de sa cité où plus simplement d’occuper une vie vide. Une vie paraissant vide parce que NON nous ne pouvions pas prendre du recul et voir qu’on nous offrait des activités et qu’on se souciait de nous. Certes de façon maladroite ou parfois inadaptée… on peut toujours reprocher, ç’est tellement plus simple que d’agir soi même. Etre en position de plainte est finalement la situation la plus confortable. J’ai fait le choix un jour de m’en sortir, de progresser en me battant par les études et le labeur (combien de moqueries ai-je subit lorsque je travaillait de nuit au MacDo de la part des clients issu de ma ville qui me reconnaissaient, je me souviens que ce qui revenait le plus souvent était «trop la honte MacDo ») plutôt que de stagner là. J’ai tenté de faire cela en restant dans ma ville, mais la masse locale est trop forte et intolérante. J’ai dû en partir.

  • Répons etrès intellignete du Matoo. Moi aussi, je ne vois pas en quoi on pourrait « réclamer » un avis ou un post sur un événement en cours, on est pas sur une chaine info ou dans un journal presse ici, qu’est ce que ça veut dire?Bon ben alor smoi j’exige l’avis de Matoo sur:
    – le gratin dauphinois: emmental ou comté?
    – les expéditions sur la Lune: utile ou pas utile?
    – Batman: pédophile, homo ou masochiste?
    …:boulet:

  • Je pense à peu près la même chose que toi sur le fait de ne pas en parler, si ce n’est que je ne viens pas de la banlieue. Bon, en plus, mon blog parle rarement d’actualité.
    Mais finalement, tu t’étends beaucoup sur ce dont tu ne veux pas parler (houla, elle était dure à écrire, cette phrase!:roll:)

  • J’ai surtout appris un nouveau mot, j’en suis ravi !! Prétérition, quel magnifique figure de style et quel euphonique nouveau vocable dans mon escarcelle ! Eh bien comme Monsieur Jourdain qui fait de la prose sans le savoir, je fais de la prétérition à mon insu. :gene: C’est vrai que j’ai encore été très concis sur le coup ! :lol:

  • Un grand merci. Il y a longtemps que suis parti voir si l’herbe etait plus verte ailleurs et ca fait quelques annees que le mur d’incomprehension monte. L’annee derniere je suis alle voter pour Chirac tellement j’avais honte. Et j’ai presque pleure de depit aux resultats du referendum. Depuis une semaine je suis completement largue malgre les belles analyses du Monde ou de Libe. Simplement c’est plus mon pays et ca fait mal de s’en rendre compte comme ca. En tout cas merci d’avoir ose dire sans fart ce que tu en penses. Non seulement parce qu’a force de te lire je respecte ton opinion mais parce qu’en bon bobo pede parisien (tes mots!) il te serait probablement plus facile de la fermer.

    François

  • Nan mais faut mettre des flic partout. Parce que ralalala les sales momes.

    Blague à part.
    Le plus navrant dans toute cette histoire c’est que c’est précisemment les « racailles » qui font parler d’elle. On pourra mettre ce qu’on veut, marchera po.
    Déjà, si on avait dans chaque banlieue des antennes de proximité de la poste, des guichets uniques de l’emploi et de la formation (avec assedic / ANPE / association / AFPA etc…), et des petits commissariats ilotiers avec 2-3 gardien de la paix de proximité. Ca, c’est du fait de la puissance publique. Ensuite, on pourrait espérer des commerces, des espaces de détente et de loisirs… et surtout de grandes fêtes expiatrices comme les carnavals du nord où je ne sais quoi.

  • (c’est marrant, on n’a rien dit ici sur le post de gerimax. Par pudeur peut-être. C’est en tout cas un intervention précieuse. Parce que de toute façon, sauf rares parmi nous – et je ne m’en crois pas, ou rarement alors – sont ceux qui ne voient pas systématiquement bon droit et juste vision du monde à leur porte. Merci.)

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