Ce film n’est pas révolutionnaire, mais c’est un bon exercice de style. J’ai eu quelques coups de flippe sympas, mais surtout j’aime beaucoup cette manière dont les asiatiques (chinois et japonais représentent deux cultures complètement distinctes mais elles se rejoignent quelques peu sur certaines métaphores spirituelles) mettent en scène les histoires liées aux revenants. Ce que j’aime donc dans ce cinéma fantastique asiatique (et ça commence un peu à transpirer dans le ciné occidental avec « 6ème sens » ou « les autres ») est cette manière de présenter les fantômes comme des êtres simplement tourmentés mais pas nocifs, et dont le but n’est pas tant de faire du mal que d’avertir ou d’exprimer sa souffrance. C’est vrai qu’en Europe, on est plus habitué à avoir peur des goules et autres revenants qui sont des monstres méphitiques et qui terrorisent les
vivants (voire les tuent !). La différence réside aussi dans la manière de considérer les morts et les esprits des ancêtres, en occident on considère qu’ils disparaissent sans laisser de trace alors que dans les religions d’une partie de l’Asie, les esprits sont vraiment pris en compte et considérés comme des guides pour les vivants.
« The eye » est un bon amalgame entre « Sixième sens » et « Ring ». L’intrigue est simple, il s’agit d’une jeune chinoise (très mignonne) qui est aveugle et subit une greffe de cornées pour recouvrer la vue. Elle revoit petit à petit et s’aperçoit de choses étranges sans bien savoir si c’est normal ou pas. C’est d’ailleurs un des aspects les plus intéressants du film, comme elle a perdu la vue à 2 ans, elle a un vocabulaire visuel quasi-nul et donc ne fait pas forcément le lien entre ce qu’elle voit et ce qu’elle connaît par d’autres sens. En fait, un médecin lui montre une agrafeuse et lui demande ce que c’est, elle est incapable de répondre tant qu’elle ne la tient pas en main. Tout ce qui échappe aux domaines sensoriels tactiles, olfactifs ou auditifs lui est inconnu, et elle n’est pas sûre de ce qui est normal de voir ou pas. Aussi son apprentissage de la vue s’accompagne de curieuses images de personnes à des endroits incongrus, ou des formes noires étranges qui accompagnent des gens on ne sait où, et elle ignore si elle débloque ou bien si c’est naturel (le côté « sixième sens »). Au final, elle découvre grâce à l’aide d’un psy que ses cornées furent prélevées sur une jeune fille de Thaïlande qu’on taxait de sorcellerie. Elle comprend qu’elle doit s’y rendre pour savoir comment la donneuse est décédée, et pourquoi elle ne la laisse pas en paix (le côté « Ring »).
L’atmosphère est parfois très oppressante, et les mouvements de caméra sont parfaits lorsqu’il brouille la vue du spectateur en même temps que celle de la fille, nous plongeant dans son angoisse avec beaucoup d’efficacité (et de frayeur). Evidemment, le thème est un peu déjà-vu, mais le fait d’avoir une héroïne atteinte de cécité qui ne comprend pas bien ce qui lui arrive permet un scénario qui avance à tâtons et nous plonge dans une ambiance de plus en plus mystérieuse et énigmatique.
Et c’est marrant de constater que dès qu’ils savent que c’est à cause d’un esprit tourmenté, la solution est tout de suite d’aller à sa rencontre et de le soulager pour retrouver la quiétude. Comme dans « Ring », une fois qu’on a guéri le fantôme de ses souffrances, on est libéré de son joug et la vie peut reprendre.