Je ne suis pas un grand connaisseur des pièces de Shakespeare, et celle-ci est apparemment une des moins connues ! Mais le théâtre du Nord-Ouest organise justement depuis quelques temps une rétrospective de toute l’oeuvre de ce bon William, il est donc possible de faire connaissance avec absolument toutes ses créations.
La salle était déjà celle des « Visionnaires », cette immense scène toute noire, et qui a la curiosité de faire arriver le spectateur par la scène justement, avant de rejoindre les sièges. Le décor était quasiment inexistant à part quelques objets et trois bouts de ficelles. Mais la pièce ne manquait pas de bons comédiens et d’une mise en scène qui a su à la fois occuper l’espace, et donner au spectateur les clefs pour libérer son imagination.
Il n’y avait pas énormément de moyens, mais tout cela à largement été compensé en se servant du texte, car l’auteur lui-même introduit un narrateur qui a pour rôle de raconter l’histoire au spectateur. Ainsi on est accompagné tout au long du récit par Gower qui nous explique qui est qui, où se passe l’intrigue, et quelles péripéties arrivent à Périclès. Et c’est par quelques cordages et poulies, des bouts de bois ou un grand tapis, que sont figurés les bateaux, palais, tempêtes en mer ou autres lieux mythiques que le héros grec traverse.
En effet, nous suivons les aventures du prince Périclès qui désire dans un premier temps épouser la fille du roi Antiochus, mais qui est incestueux. Il visite ensuite le royaume de Simonide qui lui donne sa fille pour épouse, mais cette dernière meurt en donnant naissance à leur fille Marina. Il confie Marina à Cléon, dont il sauve la cité ravagée par la famine. Marina est à l’adolescence enlevée par des pirates…
Bref, il arrive à Périclès tout un tas d’aventures et un véritable voyage initiatique et odysséen pour retrouver ses proches, et mériter les lauriers de ses actes de bravoure et de loyauté.
Le point fort de la pièce réside dans le grand talent des comédiens pour s’emparer du texte, et le faire vivre avec une touchante modernité. Mais cette faculté n’est pas vraiment égale, certains déclamaient encore un peu trop à mon goût, alors que d’autres étaient totalement habités par le texte de Shakespeare. Il est parfois un peu difficile de passer outre les décors inexistants, et on peut avoir du mal à rentrer dans certaines scènes. De même que j’ai eu du mal avec des marins à l’accent marseillais prononcés dans ce cadre là, mais pourquoi pas…
Il y a toujours un élément qui me trouble dans les pièces de Shakespeare mais qui dénote vraiment de la réalité théâtrale de l’époque, c’est le mélange des genres. Nous sommes dans une « tragi-comédie romanesque et fabuleuse », et l’auteur ménage à la fois des scènes dramatiques et à l’intense émotion, mais aussi des bouffonneries pour alléger le tout, et des personnages caricaturaux qui ne sont là que pour faire rire d’eux-mêmes. Je sais que c’est dans la pièce, mais je ne peux m’empêcher de trouver cela diablement désuet, et finalement de « trop » (ça me fait la même chose pour « Roméo et Juliette » ou même pour « Le songe d’une nuit d’été »).
En tout cas, la pièce a duré un peu plus de deux heures, et on ne s’ennuie pas une seconde durant ce spectacle. Entre les combats, voyages, enlèvements, accouchement, morts violentes et réanimations miraculeuses, on ne peut pas dire qu’on trouve le temps long. Et le texte a cette troublante beauté que même les années (la pièce date de 1608) ou la traduction en gaulois ne vient entamer. Vraiment ces comédiens sont doués, et un tel altruisme sur scène ne peut que porter ses fruits.
Si tu es gêné par le mélange des genre, c’est que tu es un vrai Français, imprégné de classiques et de classissisme. (Vas-y doucement avec tes collègues, hein). :langue:
Les comédiens sont d’autant plus formidables qu’ils sont quasi bénévoles et souvent répètent la nuit. C’est du théâtre vêcu comme un sacerdoce et cela ne nuit pas à la qualité des représentations bien au contraire. Ce Péricles est plus lisible que celui qu’avait monté Peter Broock au Bouffe du nord il y a bien … 25 ans j’avoue n’avoir pas compris grand chose à l’époque à la pièce. Le mélange des genres c’est ce qui fait le charme du grand William mais Alice a raison ce n’est pas du goût des français…