Ce film vaut le coup d’être vu et remarqué ne serait-ce que parce que vous n’avez jamais rien vu de pareil. Il s’agit d’un OVNI qui tient en haleine, qui déroute, qui interroge, qui fait rire et effraye, qui rend hommage à tous les cinéastes et qui ne laisse décidément pas indifférent. Ce n’est pas non plus un chef d’oeuvre dont le souvenir sera impérissable, mais un film qui mérite vraiment de ne pas passer inaperçu.
La forme est complètement dingue, et le fond la rejoint peu ou prou en fait. Le film est tout en noir et blanc et fait irrémédiablement penser aux films expressionnistes et muets des années 20/30. La pellicule est toute dégueulasse, et les effets de caméra sont parfois saisissants de ce réalisme « antique », tandis que les personnages reprennent aussi des mimiques des comédiens du siècle dernier. Le début du film avec cette voyante et son retour à la fin, ainsi que d’autres plans, m’ont vraiment fait penser à « Citizen Kane », le chef d’oeuvre d’Orson Welles.
L’histoire est hallucinante. Nous sommes pendant la grande dépression en plein Winnipeg (Canada). Dans cette ville qui est déjà réputée comme la plus déprimante du monde, nous trouvons une florissante brasserie de bière, avec à sa tête une curieuse femme dont le rôle est tenu par Isabella Rossellini. Elle est aussi bien désespérée dans le genre, et c’est directement explicable par le fait qu’elle soit cul-de-jatte. Elle décide de mettre en place un concours international de chanson triste, et le gagnant de la chanson la plus triste du monde recevra 25 000 dollars. Ce prix intéresse un homme et son père, les deux étant liés à la perte des jambes de la brasseuse. En effet, le père, qui était docteur, était amoureux d’Isabella Rossellini mais le fils a convolé avec cette dernière. Et lors d’un accident de voiture, le père a amputé la femme (mais il s’est trompé pour la première jambe saine, en étant trop saoul) sous les yeux du fils. Le fils a une petite amie avec qui il chante, Maria de Medeiros. Arrive alors de Serbie, pour le concours, l’autre fils du docteur. Il se trouve que ce dernier est un des musiciens les plus tristes du monde depuis que son petit garçon est mort. Sa femme qui a disparu se trouve être Maria de Medeiros…
Et encore c’est même un peu plus alambiqué que cela, mais en gros voilà le curieux objet cinématographique que j’ai vu avec beaucoup de plaisir.
Evidemment, cette tristesse célébrée à Winnipeg donne lieu à beaucoup de saynètes drolatiques et ironiques, et grâce à des actrices extrêmement inspirées le film a une saveur assez sympathique, et surtout très originale. La tristesse absolue de certaine situation tient vraiment de l’expressionnisme « théorique » mais arrive à toucher par la qualité de l’interprétation et par ce formalisme extraordinaire.
Vraiment, vraiment, on n’a jamais rien vu de tel. Et rien que cela, c’est une sensation délicieuse.
L’avis des copines : Chapi, Nij et Niklas.
« Ce n’est pas non plus un chef d’oeuvre dont le souvenir sera impérissable »
Ah si, pour moi, c’est un chef d’oeuvre impérissable :)
Cela fait 4 ans que je n’avais pas vu un aussi bon film !
Ah, Guy Maddin…