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Pectus est quod disertos facit. ∼ Pédéblogueur depuis 2003 (178 av LLM).

Exorcisme

Extrait d’un bouquin que je suis en train de terminer (très bien même si un peu trop calibré pour le cinéma). Pour situer le contexte : Joe est un écrivain qui vient de publier un best-seller où il évoque un épisode funeste de son adolescence tout en égratignant un nombre important de personnalités de sa ville natale. Il y revient, malgré sa réputation délétère dans toute la ville, car son père est mal en point à l’hôpital. Il y retrouve son ami d’enfance Wayne, qui est en train de mourir du Sida, et dont la mère est une grenouille de bénitier. Les deux amis se retrouvent, se bourrent la gueule, et Joe ramène Wayne chez sa mère, il le couche sur son lit…

Elle baisse les yeux vers Wayne, qui n’a as bougé d’un pouce depuis que je l’ai déposé sur son lit, et paraît sur le point de s’avancer pour arranger son édredon lorsqu’elle s’arrête net, comme si elle venait de se raviser, et reste plantée là, bras croisés contre sa poitrine.
« Il n’a rien à faire dehors à traîner comme ça, dit-elle en fronçant les sourcils.
– Il voulait juste prendre un peu l’air.
– Prendre l’air, répète-t-elle avec mépris. (Elle remarque le livre que je tiens à la main.) Alors comme ça, vous êtes un écrivain célèbre, maintenant, ajoute-t-elle sur le même ton que si elle avait déclaré : Alors comme ça, vous êtes un pédophile notoire.
– Il faut croire.
– En tout cas, crache-t-elle avec dédain, vous ne me ferez jamais lire un torchon pareil.
– Comment pouvez-vous savoir que c’est un torchon si vous ne l’avez pas lu ?
– J’en ai entendu parler, répond-elle d’un ton solennel. Et croyez-moi, c’est déjà bien assez.
– Bien conclus-je en reposant le livre à sa place et en me dirigeant vers la porte. Je ne vais pas vous déranger plus longtemps. »

Je descends l’escalier, notant au passage les crucifix et autres bondieuseries assorties qui recouvrent la moindre parcelle de mur. La mère de Wayne m’emboîte le pas en marmonnant dans sa barbe. Arrivé à la porte d’entrée, je l’entends qui appelle mon nom à voix basse.

« Oui ? dis-je.
– Je prie pour votre père, me glisse-t-elle.
– Et pour votre fils ? »
Son visage s’assombrit, elle lève les yeux vers le ciel.
« Je prie pour le salut de son âme.
– Il n’est pas encore mort, répliqué-je. Il aurait peut-être besoin d’un peu moins de prières et d’un peu plus de compassion.
– Il a offensé le Seigneur. Il en paie le prix.
– Et je suis sûr que la Bible applaudit à deux mains la femme qui prive son enfant mourrant de l’amour d’une mère. »
Elle me foudroie du regard, avec cette lueur de défiance et de droiture des dévots à la piété dogmatique.
« Quand avez-vous lu la Bible pour la dernière fois, Joe ?
– Vous ne me ferez jamais lire un torchon pareil, dis-je. J’en ai entendu parler, et croyez-moi, c’est déjà bien assez. »

« Le livre de Joe », Jonathan Tropper.

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