Je viens de finir ce « Premier essai » de Guillaume Dustan. Je n’avais pas suivi ses derniers romans car à en lire quelques pages, j’avais plutôt été rebuté. D’ailleurs, je ne crois pas qu’ils aient bien fonctionné. Mais là, je me suis dit que ce serait peut-être un peu différent, voire intéressant. Au final, il s’agit là d’un bouquin très inégal pour moi, quelques qualités, mais dissimulées dans un texte perclus de défauts.
J’avais découvert l’auteur en 1996 (Dans ma chambre) et 1997 (Je sors ce soir) alors que je débarquais tout juste dans le milieu en tant que jeune pédé de vingt balais. Cette littérature était un sacré renouveau dans les écrits gays et a marqué, en son temps, les années 90. Le fond n’a pas grand intérêt sinon de décrire les errements sexuels d’un mec paumé, mais la forme, elle, m’avait bien accroché, et j’avais trouvé un vrai truc à ce nouveau genre de l’« autofiction ». En outre, j’avais été sensible aux propos des anti-dustan même si je n’y souscrivais pas complètement. En effet, à lire ses livres, j’avais envie de tout sauf d’imiter ce qui y était décrit. Ces récits m’effrayaient plus qu’ils ne me fascinaient. Et surtout, je trouvais important que le thème du relapse et du barebacking soit évoqué, même si Dustan devait être combattu sur bien des sujets.
J’ai vraiment aimé un seul bouquin de lui, un bouquin qui sortait de l’ordinaire et dont le style m’avait vraiment conquis : « Nicolas Pages ». Et dans ce bouquin, Dustan est souvent détestable et hautain, mais parfois aussi touchant lorsqu’il est blessé ou lorsqu’il livre quelques réflexions bien aiguisées.
Dans l’ensemble « Premier essai » est du foutage de gueule, un peu comme on pouvait déjà en trouver dans « Nicolas Pages » à certains moments. C’est à dire que le type griffonne trois réflexions sur un bout de page, deux trois idées brouillonnes et vaguement « anti » ou vitriolées et nous les assène quasiment dans une liste à bullets made in Word. Il a rassemblé des opinions diverses sur la société, la politique, les moeurs, les arts et bien d’autres thèmes, et les a organisé en ordre alphabétique sous forme de petits chapitres. On a donc l’impression de se faire un peu avoir en lisant un bouquin qui n’est parfois qu’un brouillon sans queue ni tête. Et puis cette manière si franchouillarde de critiquer à tout va, d’aboyer comme un sale roquet, ça finit par être d’un fatigant, et surtout cela retire énormément de force aux argumentations qui se suivent et se ressemblent (ah ça, on peut dire qu’il fait des fixations sur certains sujets). Ajoutons à cela le destin contrarié d’un homme extrêmement orgueilleux et dont la carrière littéraire ne correspond certainement pas à l’idée qu’il se fait de son charma. Donc le mec est figé sur les années 80 et 90, et a fait sienne la fameuse maxime de Francis : « C’était mieux avant ! ».
Mais Guillaume Dustan n’est pas con, je le crois même d’une redoutable intelligence et érudition (après tout, c’est un énarque) et cela se voit. Aussi on trouve cachées dans ce bouquin quelques réflexions vraiment intéressantes et des points de vue qui m’interpellent. Parfois, pendant tout un chapitre, je suis avec délectation le bon mot bien placé, l’idée qui fuse et le verbe qui frétille pour livrer une vision originale d’un fait de société. Malheureusement, c’est bien trop rare parce qu’on retombe indéniablement quelques lignes après dans la diatribe gratuite ou dans le geignement intello.
A noter ces deux chapitres à la lettre P et qui valent le coup : « Pédalerie » et « Pour mémoire ». Le premier m’intéresse à l’évidence parce que je connais un peu le sujet, et puis parce que je suis assez vieux pour avoir suivi de relativement près son histoire dans les années 90. Il y critique le milieu pédé et se défend encore une fois du complot mené contre lui (et gagné) par Lestrade. Mais il explique aussi sa vision du milieu associatif et de la communauté gay avec pas mal de jugeote et quelques remarques judicieuses, même si toujours aussi acrimonieuses. Dans « Pour mémoire », on retrouve pour quelques pages ce que l’écrivain fait de mieux : parler de lui. Il narre brièvement ses années 80 et 90, son ascension médiatique et littéraire, ses divers déboires avec ses bouquins, et à travers quelques références culturelles et des souvenirs, il brosse un autoportrait assez saisissant.
le seul bon point de Dustan, c’est qu’il est énarque. Conseiller de TA, ok, c’est pas la gloire, mais c’était au temps où il était encore équilibré. Sinon, je te conseille la parodie de Lagarde et Michard par Nollot et Jourde. Un passage amusant sur Dustan.
« Je sors ce soir », c’était le bouquin où y’avait 10 pages blanches à la suite quand le mec s’endormait? mouarf :berk:
j’ai lu tout Dustan jusqu’à Nicolas Pages (avant que cela ne devienne trop *politique* pour moi), je me rappelle d’une de ses premières interview à Laure Adler au Cercle de minuit où il n’avait pas montré son visage en restant dans la pénombre ;
j’étais jeune et encore dans le placard, ses écrits m’ont à l’époque fasciné par l’intimité qu’il livrait, par les détails qu’il apportait … pour moi la filiation est évidente avec certains blogs qui sont apparus par la suite et que j’ai suivis avec le même intérêt.
Dustan, comme Pages (lire « Septembre »), savent écrire, mais hélas pas assez longtemps : passé leurs brefs récits de lancement (« Je mange un oeuf » reste un ovni bouleversant à mon sens), ils tombent dans une complilation bordélique et artificielle de leurs propres écrits un peu comme on sort des cartons de quoi créer du « pavé littéraire », tout en forçant sur la sauce au poivre pour espérer une attention, une somme (je songe aussi aux « Nuits fauves » – version papier – de Cyrille Collard).
Dustan ne s’accorde pas le temps de s’imprégner de son propre talent, et reste en conséquence épisodiquement pertinent, mais hélas trop souvent provo par urgence, histoire d’exister vite (d’où l’autobiographe orgueilleux et travesti).
Guibert comme hocquenghem auront rencontré le SIDA alors qu’ils vivaient la maturité de leur compréhenhion de l’écriture et de l’édition. Dustan, Pages, Collard, eux, sont de la génération que le virus (vécu à l’aube de leur créativité) aura obligé à la précipitation plus qu’au recul. Et les travaux s’en ressentent, représentatifs non pas d’un geste littéraire, mais d’une époque où la hâte doit bousculer, et ce avec les moyens à disposition : la plume, l’édition, les médias, l’incertitude du temps.
Ca n’excuse pas tout, naturellement. Mais tenter de comprendre notre rôle de lecteur dans cette histoire n’est pas un luxe résumable à un seul point de vue « dicté d’un siège de métro » (bon, là, je nargue ^^)…
je n’ai lu que « nicolas page », auquel j’ai bien accroché moi aussi… j’avoue avoir trouvé ton analyse très intéressante (je découvre un peu ton blog, et je trouve que les propos sont loin de ce qu’on trouve généralement dans les blogs ;)
par contre, pour le côté « brouillon » de ses textes, je crois justement que cette forme appuie le contenu souvent très intime des textes… après tout ça ressemble plus à un journal qu’à un roman… et cette recherche dans la forme me paraît super intéressante! (et n’est pas à mon avis une fumisterie de l’auteur de procéder de la sorte…)
Je suis comme bradshaw, je trouve que Dustan publie ce que d’autre écrive dans leurs blogs. Même intimité étalée, même coup de geules pour un oui pour un non. C’était un peu révolutionnaire dans les années 90, mais aujourd’hui que n’importe qui écrit la même chose, tous les jours, à toute les sauces et même parfois avec du talent. Tous ceux qui ont lu Dustan et qui connaîssent la blogoshère gay pensent à deux ou trois blogs aux thèmes très dustanien, mais dont les auteurs sont buvables, eux :-)
En plus les blogs sont gratuits et leurs auteurs ne prétendent à aucun titre ronflant genre « écrivain », « éditeur », etc.
J’avais lu « Nicolas Pages » Ça m’a fait un peu l’effet de voir un mec se branler pendant des heures sans parvenir à jouir. Au début, on aime bien regarder, évidemment. Ensuite on se demande si il en a pas un peu marre. Et puis j’ai fermé le livre en me demandant s’il n’avait pas un peu mal à la queue, à force…
Dustan est pour moi la seule « icone gay » que j’accepte…
Il est l’un des rare à avoir crée une vraie ligne de fracture dans la communauté: il y les « pour » ou les « contre » mais il ne laisse jamais indifférent; ca nous change de Mylene ou chantal goya…
Evidemment il est parano, inbu de lui même et surtout est en train de mettre en piece son reel talent littéraire…
Mais il est l’un des rares qui me fait encore croire à ma « communauté »…
Je suis trés content d’avoir lu cette note….
A+
Ps le lien entre blog et autofiction n’est pas mal du tout sauf qu’il y aura toujours un fossé entre les deux: la talent littéraire. Etre bon sur 5 lignes est assez simple… Construire 120 pages est déjà plus dur…
M’enfin j’dis à ça, j’ai rien dit… Hein bradshaw?:langue:
Yann, publier un livre n’est en rien un signe de talent littéraire, tu en trouveras d’excellents exemples dans la librairie de ton choix.
Quand au 5 lignes, il me semble que nous sommes sur un excellent blog qui as tenu un peu plus que 5 lignes :cool:
Avant de comparer ce genre littéraire (allez, appelons ça de « l’autofiction-pas-innovatrice-pour-deux-ronds-mais-tellement-plus-récente »)à des blogs, sans-doute faudrait-il au moins honorer les pères de ces héritiers (la Beat generation, Burroughs, Céline…etc).
Bon decidemment je suis pas doué pour intervenir sur les commentaires. Ma piquounette n’avait rien de dirigé contre matoo dont je lis trés régulierement la prose…
Bon bref…
En tous cas vive dustan!
yann
Ps finalement je suis comme lui , personne ne me comprend vraiment …:lol:
Meuh non Yann, moi j’avais très bien pris ton commentaire. Et puis il faut se calmer, on a le droit de me contester, de me conspuer et même de me chier sur la gueule. Je ne suis pas non plus là que pour recevoir des louanges ou des commentaires niaiseux, donc j’aprécie tout autant les critiques et les remises en question (mais j’aime qu’on m’aime aussi). :lol:
Le cas Dustan est passionnant, j’éprouve exactement ce que Yann résume en une formule, Dustan parce qu’il divise la communauté gay m’oblige à me positionner par rapport à ses membres dont je suis, puisque je suis gay…
Le plus saisissant chez Dustan, c’est son esprit de révolte et de liberté. Du moins c’est ce que ressens à la lecture : envie de sortir, de bouger, de ne plus penser en rond comme tout le monde, et surtout de ne plus se laisser marcher sur les pieds. Bref, lire Dustan m’économise quelques séances chez le psy ! Quant-à savoir si c’est de la littérature, je m’en fous. Importe l’énergie que ses livres m’insufflent, malgré leur style paresseux, leur divaguations trop nombreuses, mais grâce aussi à leur outrance mégalomane !
Matoo je t’aime!!!!!! point à la ligne, ma pique était dirigée contre bradounet s’il faut être absolument clair…
Enfin pour finir le sujet Dustan j’ai quand même un peu les boules parce qu’il m’a grave snobbé quand je l’ai croisé une aprés midi à saint michel.
Moi j’étais au bord de l’arret cardiaque (mon dieuuuu il y a guiiiiilaume dustaaaaan devant moi…) Et lui a enfilé ses lunettes noires et haussé les épaules…
A moi…
Son plus grand fan…
Si…
:hum:
yann
Je suis hétéro mais (ou) donc je me permets aussi d’en parler….
J’ai découvert Dustan, je ne sais plus trop comment, ah si… chez Ardisson pour la promo de Génie Divin. Je ne le connaissais pas du tout et j’avais été complètement bouleversé, choqué, frappé par ses propos, son histoire. Enfin, en même temps il avait mis la dose ce soir là : « oui, j’ai fait exprès d’attraper le sida, suicide moderne, je suis juif, je porte la perruque, l’homme est une femme et vice versa etc »…enfin bref une bonne promo..à la Dustan.
Je me suis naturellement dirigé dès le lendemain vers ma librairie pour acheter le bouquin. Et là je dois bien avouer, que ce fut un choque terrible pour moi, en tout cas dans la littérature moderne.
Contrairement à tout ce que tout le monde pensait de ce mec, même dans « votre » communauté, à savoir c’est un fou, un malade, un tueur etc….j’en ai juste penser l’inverse. Pas par contradiction, au contraire. Juste un mec pas bien, victime de sa générosité, mal placé certes parfois, un mec brillant, déçu de ce monde contemporain, egoiste. Mais surtout un mec pas bien, pas bien du tout.
J’ai du surement lire Génie Divin deux fois de suite, je ne suis pas devenu pour autant, mais j’ai toujours proclamé haut et foprt que ce bouquin m’avait aidé….sur ma relation aux plaisirs (drogue, sexe…) ma relation à la famille que je comprends mieux parfois.
Bref je pourrais en mettre des tartines mais ma vie ne concerne que moi.
Une anecdote: trois mois après avoir lu donc G.D, je me suis pointé cool au Salon du livre ou G.D signait son book, se faisait chier à crever. J’arrivais pas à comprendre que les gens qui étaient là se faisaient dédicacer le bouquin…..z’avait juste rien compris au livre les cocos….une insulte de lui demander à lui un autographe.
Du coup, je suis resté face à lui, j’ai attendu que ce pathétique cinéma se termine, j’ai été le voir, lui dire à quel point son livre m’avait bouleversé, que j’étais pas là pour baiser car hétéro, et proposer de fumer un spliff car il avait l’air tendu. Ca s’est terminé….à fumer des spliffs de Beu…..sur le salon de son éditeur qui était juste outré mais n’osait rien dire. Et je suis reparti en me disant que vraiment tout le monde était passé à coté de lui.
J’espère qu’il s’éclate à Lille aujourd’hui mê^me si j’en doute.
Bien à toi GD.
Lorsque Nicolas Pagès a reçu le prix de Flore, la réaction des anti-barebackers a été de sabrer le livre, au seul titre de la cause anti-bareback.
depuis, Dustan a écrit d’autres livres, genie divin est bien meilleur, je sors ce soir l’était aussi, Nicolas pagès est ennuyeux à lire, mais pas les autres livres : voilà donc nos militants critiques qui trouvent désormais que Nicolas pagès, c’est pas si mal que ça! Evidemment, celui qui découvre Dustan via Nicolas Pagès dera surement moins séduit que s’il découvre les autres livres, bien supérieurs et bien plus subversifs.
Littérature : Philosophie. La littérature fait un complexe d’inéfériorité. la philosophie fait un complexe anti-jeunes. Houellebeck et Dustan ont ceci de commun qu’ils veulent être lus par des jeunes et faire plus que de la littérature. Ils n’écrivent ni roman, ni poèmes, ni essais, il font tout en même temps, et ça ne ressemble à rien….pour que ne sait ni lire un roman, ni sentir la poésie, ni comprendre la philosophie.
« C’était mieux avant » : c’est amusant comme ce regret obsessionnel des quadragénaires est le cauchemar permanent des nouvelles générations. Etait-ce mieux avant le sida ? Faut-il se poser la question ou apprendre à vivre et à s’adapter au sida ? en dehors de la philosophie de l’abnégation, que peut-il y avoir ?
la libération sexuelle n’a jamais abouti, elle n’a été qu’un rêve non achevé. Houellebeck est sorti de la caverne. Il retourne dedans retrouver ses congénères impatients :
– alors, qu’est ce que t’as vu ?
– Heu, rien et j’ai mal aux yeux, et à vrai dire en retournant parmi vous, je dois même dire que je n’y vois plus rien.
Dustan sort de la caverne.
Et à ce jour il n’est toujours pas revenu. Mon avis est qu’il fait encore trop chaud dehors, mais déjà moins que sous Houellebeck.
J’attends mon heure pour sortir.
Chronique des taupes , 2005.
Etre énarque c’est un bon point,c quoi ce délire!!? Ca va pas bien,non!? Vous êtes nases,bande de réacs à 2francs50,s’il avait été chauffeur ça changeait tout c’est ça!? Paix à son âme de Génie,on parle pas des morts comme ça surtout avec votre mathématque de petits vivants, retournez cracher votre fiel dans votre Creuse natale, au larzac du coin en écoutant I muvrini et en vous pissant dessus à chacune de vos parole!