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Pectus est quod disertos facit. ∼ Pédéblogueur depuis 2003 (178 av LLM).

Just a kiss

Ken Loach revisite un sujet déjà abordé dans pas mal de films, « Head-on » notamment que je n’ai pas encore vu, ou bien le cultissime « Jungle Fever » de Spike Lee, qui évoquent les difficultés du couple mixte. Dans ce film les misères que l’on fait aux protagonistes sont autant dues au regard des autres et aux préjugés, qu’à l’attachement à des valeurs culturelles et familiales et le chantage affectif qui peut en découler. Le réalisateur met alors en scène la douloureuse et merveilleuse histoire d’amour entre Casim, un fils d’immigrant pakistanais musulman, et Roisin une irlandaise, prof de musique dans une école catho, et le tout sur toile de fond écossaise à Glasgow.

Tout commence par la soeur de Casim, Tahara, qui se fait insulter une fois de trop à l’école et qui course des types tandis que son frère lui court après pour la retenir. Ils atterrissent dans le bureau de la prof de musique, et hop ! Et qu’il est beau, et qu’elle est belle en plus ! On imagine tout de suite le truc… Ken Loach nous pond des ficelles scénaristiques grosses comme ça, mais avec ce soucis qu’il a de peindre des caractères bien trempés et de plonger ses personnages dans des mélasses dont ils ne se sortiront qu’en luttant de toute leur force. Tahara qui tente de s’émanciper, tandis que son autre soeur accepte le prétendant que ses parents lui soumettent traditionnellement.

Casim et Roisin vivent donc cette histoire avec la souffrance que cela engendre chez Casim qui doit décevoir les siens et leurs espérances pour vivre « égoïstement » selon ses émotions et son arbitre. Ce qui est drôle c’est qu’on a d’abord l’impression que c’est le pakistanais qui souffre de la dureté de la tradition (même si on comprend que c’est aussi ce pilier communautaire qui a permis au père de survivre) et de tous les préjugés, et aussi des pressions qui le poussent à se marier avec une fille choisie par ses parents. Mais Roisin est vite rattrapée par un obscurantisme catho bien occidental et tristement concret.

Le tout est orchestré avec une grande maîtrise du récit de Loach. On rentre très facilement dans l’histoire et les personnages, on est alors rapidement suspendu à la narration. On reconnaît aussi bien Ken Loach dans les personnages secondaires, et j’ai vraiment été touché par le véritable héros de ce film qu’est Tahara, la jeune soeur de Casim. Elle n’est pas la figure de proue du film alors que c’est elle qui prend les risques, c’est elle qui a les couilles de vouloir assumer à la fois ses origines et sa vie actuelle. Casim, lui, est un homme, et si Loach montre quelque chose, c’est à quel point c’est plus facile pour lui que pour sa soeur. D’ailleurs quand Casim rencontre Tahara un soir dans un club, il la vire et la somme de rentrer à la maison « où elle devrait être, où est sa place ». Et cette dernière, en second plan, en filigrane de l’intrigue, comprend la situation, aide son frère et surtout lutte pour sa propre libération. Elle souffre pourtant du mal qu’elle va faire à ses parents, mais en tant que femme musulmane et anglaise d’origine pakistanaise, elle veut continuer ses études, choisir son métier et sa vie. Tout cela ressemble finalement à la version tragique de « Joue la comme Beckam ».

Malgré tout ce n’est pas un film triste ou misérabiliste, c’est au contraire un film qui montre comme l’intégration n’est pas une mince affaire, et comme on a pas fini d’entendre parler de ce racisme « ordinaire ». Tout cela avec la finesse et la force qui font le talent immense de Loach.

Just a kiss

Hors-champ :
Cela me fait toujours penser à la remarque assassine de mon arrière-grand-mère (pure portugaise émigrée en France) à ma mère lorsqu’elle a appris le mariage avec mon père : « Et ça ne te fait rien de te marier avec un arabe ? » d’un air mauvais. Arf arf, mais qu’est-ce qu’elle nous faisait pas la vieille tos’ ! Evidemment, elle a adoré mon père par la suite, et tel que je la connaissais, je crois qu’elle aurait même nié avoir dit une chose pareille.

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