MatooBlog

Pectus est quod disertos facit. ∼ Pédéblogueur depuis 2003 (178 av LLM).

Un mauvais bon exemple ou un bon mauvais exemple ?

On entend beaucoup parler de réforme de la Sécu et pas qu’en ce moment, mais depuis très longtemps. Je me souviens des premières énormes manifestations de 1988 à ce sujet, et puis bien d’autres réformes qui ont été enterrées par le même genre de mouvements sociaux. Il faut dire que c’est le genre de réforme forcément pas particulièrement populaire et peu propice aux lendemains électoraux qui chantent.

On entend toujours le même clivage, forcément stérile lorsqu’on l’entend depuis une quinzaine d’années. La gauche qui recule devant toutes les propositions puisqu’elles sont forcément des reculs sociaux, et qui du coup s’enterre dans un immobilisme stupide étant donné la banqueroute imminente. Et la droite qui propose une américanisation progressive du système avec plus de libéralisme et d’individualisme, mais aussi plus de responsabilisation citoyenne (c’est le volet positif « théorique » de ces propositions pour moi). Or, je pense que ce qui grève tout cela c’est d’abord l’abus qui est fait du système, et puis une croissance balbutiante qui lèse les dépenses publiques, en plus de facteurs conjoncturels tels que le papy-boom etc.

Et depuis quelques années, on est arrivé à un quasi-consensus droite/gauche, il est tellement urgent de réformer, que le plus simple est de prendre exemple sur les USA et de moins rembourser, de proposer des systèmes d’assurances privées, de se désengager de la santé en quelque sorte. Que l’urgence de la situation justifie qu’on réagisse rapidement et drastiquement, je le comprends. Mais qu’on ne nous mente pas en scandant que ce sera pour le mieux, pour tous et dans un souci d’équité. J’ai lu un article de La Recherche qui m’a surpris dans la manière simple dont l’auteur démontre que l’exemple américain n’est pas à suivre pour quelques raisons élémentaires.

L’auteur, Philippe Pignarre, explique que la privatisation de l’assurance-maladie ne fait qu’engendrer des coûts supplémentaires par le passage à un système public mutualisé à un système privé. Cela génère naturellement des coûts liés à la rémunération des actionnaires, mais aussi au marketing et toutes les actions de promotions qu’il faut financer dans un environnement concurrentiel (et dieu sait que le gâteau est appétissant). Ensuite un chiffre aussi simple qu’édifiant : les US dépensent 15% de leur PIB pour la santé, contre 9,5% en France. Or on sait la proportion de personnes qui ne bénéficient d’aucune couverture sociale aux US, ainsi que l’imperfection et l’insuffisance du système en place (ouai il suffit de voir Urgences ! lol)

Et du coup, je me pose la question… insoluble ? Comment peut-on réformer en garantissant un bon système de santé pour tous, à la fois équitable et financièrement sain ? Est-ce qu’il n’est pas normal après tout que la Sécu soit un système déficitaire ? La solution, c’est rembourser moins et laisser les gens se prendre des assurances complémentaires privées comme cela se fait déjà aujourd’hui ? Oui mais alors, ceux qui ne peuvent pas ? L’issue n’est-elle pas plutôt dans la chasse aux abus, aux consultations multiples inutiles, aux remboursements abusifs ?

[Source : La Recherche – Mai 2004]

Assurance Maladie - La Recherche Mai 2004

  • La privatisation de la sécu est en effet une aberration bien pratique: elle permet de détecter ceux parmi les libéraux qui le sont par opinion propre après réflexion de ceux qui le sont après avoir été abreuvés de messages venant directement des lobbies de l’assurance.
    Le système français de la sécu est très bon, et on peut le retoucher sans le réformer. Au pire, on augmente la CSG de 2 points et le déficit disparaît. Pour moi, 15 milliards de dérapage pour un budget carrément plus important (1000 milliard je crois), c’est pas grand chose.

  • Merci pour l’article, et le billet.
    Le problème avec « la réforme » de la sécu, c’est qu’on omet toujours un des facteurs essentiels du déficit: les entreprises du médicament qui pour compenser leur manque d’innovation (elles déposent de moins en moins de brevet, les « anciens » tombent dans le domaine public et deviennent des médicaments génériques, poussant les entreprises pharmaceutiques à se rabattre sur les autres produits. Dernier exemple en date le Tulgras, remboursé à 65% par la sécu et qui vient de voir son prix exploser (il a plus que triplé). Il faut savoir que les entreprises du médicament emploient (et financent) plus de visiteurs médicaux (commerciaux) que de chercheurs… Alors si on ajoute à ça les exonérations de charges patronales, le vieillissement de la population et un intense matraquage médiatique sur les fraudes en tous genres (c’est amusant d’ailleurs comment on veut nous faire avaler que la France est bourrée de fraudeurs à la sécu. Pendant qu’on s’occupe des milliards de cartes vitales en circulation et qu’on veut lui coller une photo, on ne regardera pas ailleurs) on a là un système de santé au bord de l’implosion. Suffit d’attendre, de délayer, et laisser le système mourir à petits feux, pour enfin se tourner en désespoir de cause vers le système providentiel « qui marche », rodé depuis des lustres par le monde des assurances et servi clef en main: les couvertures maladies privées. La santé à deux vitesse existait déjà, bienvenue dans la santé multiple, et vive le libéralisme!

  • Ce que je note dans ce dossier, comme dans beaucoup d’autres dossiers politiques, c’est à quel point il est totalement tabou de proposer la solution consistant à baisser la qualité.

    On propose soit d’augmenter les recettes (CSG ou ticket modérateur augmentés), soit de diminuer les dépenses à qualité constante (lutte contre la fraude, promotion du médicament générique, mythe de l' »efficacité » meilleure du secteur privé -ouarf…)

    En revanche, les politiques ne proposent strictement _jamais_ une baisse de la qualité, du type « on va résoudre le problème en diminuant la qualité des soins aux cancéreux » (augmentant par dommages collatéraux leur taux de mortalité) ou variantes.

    Et ce qui est vrai pour la santé l’est absolument pour tous les domaines : aucun parti, de l’extrême-droite à l’extrême-gauche, ne propose plus d’insécurité, moins d’accès à la culture, etc…

    Pourtant, quand on doit prendre des décisions individuelles, on prend couramment celle d’une diminution de qualité pour s’adapter à des circonstances financières défavorables -renoncer à prendre des vacances aussi luxueuses qu’on en avait l’habitude, ou déménager vers un logement moins grand mais à loyer plus faible.

    Je me demande pourquoi ce qui est acceptable au niveau individuel est totalement exclu du discours politique pour le niveau collectif.

  • peut être parce que crever d’un cancer c’est moins bandant que de se passer de deux mois de vacances pension complete à Ibiza

  • Pour « -« : Le trou de la sécu serait réglé si on supprimait la dernière année de vie, car c’est celle qui coûte le plus cher. Ce n’est pas moi qui le dit mais le prédécent locataire de Bercy. La sécurité sociale était une mesure sociale forte du lendemain de la guerre. Une mesure humanitaire. Les temps ont bien changé.

  • cher « – » le principe de ce qui est individuel est que ce n’est pas collectif. En outre, une observation strictement empirique me pousse à penser que ce que je décide individuellement est le plus souvent différent d’autres décisions individuelles prises par moi à un autre moment et/ou prises par d’autres à tout moment. c’est bien cela le problème de la politique : un éternel équilibre entre le bon sens et la raison. raisonner en l’occurence mène nécessairement à la notion d’entraide qui permet d’assurer une partie de la population qui n’a même pas envisager qu’elle pouvait se priver de vacances car elle n’en a jamais prise. d’ailleurs il ne suffit pas dêtre simplement bénéficiaire de la CMU pour en être là. il suffit de gagner un petit peu plus du SMIC, d’habiter la région parisienne et d’avoir deux enfants à charge. mais bon, vivre en couple avoir un travail et des enfants… que demande le peuple ?

  • la chasse aux abus à un coût

    la chasse aux abus n’empèche pas les abus

    perso je suis pas un gros consommateur de médocs & médecins, sauf que toutes les semaines, j’ai 37 euros qui me sont remboursés pour ma psy…

    mais bon, je fais des efforts lol j’ai le dos coincé depuis 2 jours et j’ai pas été voir un toubib lol

  • En fait je pensais plutôt à mon grand-oncle et ma grande-tante qui vont deux fois chez le cardiologue, parce que le premier il avait pas l’air net, ou alors il n’était pas très poli etc. qui se font prescrire des médocs qu’ils ne consomment pas parce qu’ils lisent des notices et que les contre-indications leur font peur, mais qu’ils achètent tout de même (et se font rembourser rubis sur l’ongle à 100%) « parce qu’on y a droit » !!! etc. etc.

    Et puis aussi toutes les vieilles (et les pédales lol) accrocs aux anti-dépresseurs et autres qui se font rembourser, alors qu’elles feraient mieux d’aller pécho une barette aux halles ! :blah:

  • >> Oli : le budget n’est pas de 1000 milliards d’euros (ce seraît entre 50 et 75% du PIB). Il est en rebanche supérieur à celui du budget de l’Etat (si on branche les trois branches : santé, vieillesse et famille).

    >> Matoo : la solution est connu. Hausse de la CSG, redistribution des médecins, maison des médecins pour éviter de saturer les urgences, dossier médical informatisé pour éviter les consultations multiples stériles, éviter les ordonnances comportant trop de médicaments ou molécules… Autrement dit un vrai politique de santé qui évite aux mutuelles de se mettre à rembourser ce que la sécu dérembourse.
    Une vraie politique de santé, ça demande une sacré gouvernance et concertation.
    C’est aussi le principe du parcours médical, et d’une prévention meilleure pour un remboursement meilleur (je crois que cela apparaît dans le projet de réforme).
    Et faudrait juste que les français comprennent que 9 ou 13 points du PIB en taxes c’est plus économique et social que 15 points du pib en paiement de prime d’assurance.
    Ah pardon, ce n’est pas les mêmes qui paient:salut:

  • Alors, alors, alors… « la solution est connuE » ; « unE vraiE politique » ; « une sacréE »…

    Ben oui, quoi… faut bien que je m’occupe… moi suis encore sur la sécu de mes parents…

    :boulet:

  • Je cite un excellent article repris par Frisc
    http://journal.gayattitude.com/frsic/
    ………………………………………..

    Pour que la flamme ne s’éteigne pas

    Au moment où nous voyons remis en cause le socle des conquêtes sociales de la libération, nous, vétérans des mouvements de Résistance et des forces de combattantes de la France libre (1940-1945), appelons les jeunes générations à faire vivre et retransmettre l’héritage de la résistance et des idéaux toujours actuels de démocratie économique, sociale et culturelle.

    Soixante ans plus tard, le nazisme est vaincu, grâce au sacrifice de nos frères et soeurs de la Résistance et des nations unies contre la barbarie fasciste. Mais cette menace n’a pas totalement disparu, et notre colère contre l’injustice est toujours intacte.

    Nous appelons, en conscience, à célébrer l’actualité de la Résistance, non pas au profit de causes partisanes ou instrumentalisées par un quelconque enjeu de pouvoir, mais pour proposer aux générations qui nous succéderont d’accomplir trois gestes humanistes et profondément politiques au sens vrai du terme, pour que la flamme de la Résistance ne s’éteigne jamais.

    Nous appelons d’abord les éducateurs, les mouvements sociaux, les collectivités publiques, les créateurs, les citoyens, les exploités, les humiliés, à célébrer ensemble l’anniversaire du programme du Conseil national de la Résistance (CNR) adopté dans la clandestinité le 15 mars 1944 : sécurité sociale et retraites généralisées, contrôle des « féodalités économiques », droit à la culture et à l’éducation pour tous, presse délivrée de l’argent et de la corruption, loi sociales ouvrières et agricoles, etc.

    Comment peut-il manquer aujourd’hui de l’argent pour maintenir et prolonger ces conquêtes sociales, alors que la production de richesses a considérablement augmenté depuis la libération, période où l’Europe était ruinée ? Les responsables politiques, économiques, intellectuels et l’ensemble de la société ne doivent pas démissionner, ni se laisser impressionner par l’actuelle dictature internationale des marchés financiers qui menace la paix et la démocratie.

    Nous appelons ensuite les mouvements, partis, associations, institutions et syndicats héritiers de la Résistance à dépasser les enjeux sectoriels, et à se consacrer en priorité aux causes politiques des injustices et des conflits sociaux, et non seulement à leurs conséquences, à définir ensemble un nouveau « programme de Résistance » pour notre siècle, sachant que le fascisme se nourris toujours du racisme, de l’intolérance et de la guerre, qui, eux-même, se nourrissent des injustices sociales.

    Nous appelons enfin les enfants, les jeunes, les parents, les anciens et les grands-parents, les éducateurs, les autorités publiques, à une véritable insurrection pacifique contre les moyens de communication de masse qui ne proposent comme horizon pour notre jeunesse que la consommation marchande, le mépris des faibles et de la culture, l’amnésie généralisée et la compétition à outrance de tous contre tous. Nous n’acceptons pas que les principaux médias soient désormais contrôlés par des intérêts privés, contrairement au programme du Conseil de la Résistance et aux ordonnances sur la presse de 1944.

    Plus que jamais, à ceux et celles qui feront le siècle qui commence, nous voulons dire avec notre affection : « Créer, c’est résister. Résister, c’est créer. »

    Lucie Aubrac, Raymond Aubrac, Henri Bartoli, Daniel Cordier, Philippe Dechartre, Georges Guingouin, Stéphane Hessel, Maurice Kriegel-Valrimont, Lise London, George Séguy, Germaine Tillion, Jean-Pierre Vernant, Maurice Voutey.

    paru dans le « manière de voir » n°75

  • ajoutons à cela que le déficit de notre sécu est dû en partie à l’état qui y pompe une partie de ses recettes. en fait le déficit réel est de 50% moindre.

    2 réels problèmes : le coût de l’hopital et le coût du médicament (remboursement de médocs inefficaces & prix fixés par les labos).

    l’honnêteté de la gestion de la sécu serait déjà un grand pas.

  • >>> Tatou :: merci
    >>> Pitoresk : A tous ceux qui s’enflamment sur la sécu, je rappelle que cet organisme n’avait pas été conçu à l’origine pour s’occuper de santé publique mais pour offrir un revenu de remplacement lorsque la maladie empêchait le travail. Cette fonction de base de la sécu ne représente plus que 5% des dépenses.
    Evidemment, on ne peut que se féliciter du large accès au soin qu’il procure et j’espère que ça va durer encore longtemps :D.
    Autre sujet, même cause, l’unedic n’a pas été conçue pour financer la culture :gene:

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