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Pectus est quod disertos facit. ∼ Pédéblogueur depuis 2003 (178 av LLM).

Nowhere in Africa

J’ai été conquis par ce film. J’avais lu pas mal de critiques qui ne lui faisait pas de cadeau sur le côté naïf et candide de la mise en scène, avec aussi le recours de pas mal de poncifs sur l’Afrique, mais j’ai été beaucoup plus simplement ému et emballé par l’histoire. J’y retrouve de surcroît tellement des images et des éléments de l’univers de Stefan Zweig (auteur que je révère en particulier) dont l’un des romans a nourri l’intrigue du film.

Il s’agit d’une saga familiale qui s’étend de 1938 à 1947. En 1938, Walter, un avocat allemand et juif pas vraiment pratiquant (pas du tout même !) pressent que la situation politique dans son pays ne va pas s’améliorer. Il part donc seul au Kenya pour y travailler en tant que fermier, sans un sou ni la compétence ou l’aspiration pour ce dur métier. Il fait venir sa femme Jettel et sa petite fille Regina in extremis dans une contrée plutôt sauvage et surtout aux antipodes de la vie citadine et bourgeoise de Jettel. Cette dernière vit donc très mal son acclimatation, et le couple en pâtit, tandis que Regina se lie d’amitié avec le cuisinier, Owuor, et des gens des tribus locales. Regina finit par oublier l’Allemagne et devient une véritable africaine.

Au début, la mère veut même rentrer en Allemagne, revoir ses parents, et pense que son mari est un imbécile qui n’a rien compris. Ils reçoivent des lettres de leurs familles, acculés, ruinés, ghettoïsés puis déportés qui leur font perdre tout espoir, mais leur confirment le bien-fondé de leur présence au Kenya. Cette manière de traduire ce qui se passe pour les juifs en Allemagne nazie est incroyablement bien traitée. En effet, ce moyen épistolaire est à la fois une ellipse ingénue de la part de la réalisatrice, mais revêt une force extraordinaire pour le spectateur. Les lettres sont de plus en plus courtes, et l’angoisse des acteurs est palpables, angoisse de l’inconnu, peur du pire qui est encore à venir. Finalement, ils reçoivent une missive (vingt mots maximum, rien de plus permis) qui les informe que leur famille doit « partir travailler en Pologne », et ce sera tout.

A la fin de la guerre, après 10 années en Afrique, le drame prend une autre tournure puisque la mère a fait une croix sur son pays, et se sent chez elle en Afrique, où elle parle la langue et en a adopté les us. Walter veut redevenir juriste et a, au contraire, une envie impérieuse de rentrer pour aider à réaliser l’Allemagne à laquelle il a toujours cru, et croit encore malgré les adversités du nazisme. Jettel est terrorisée et ne comprend pas cette attitude.

Le jeu des comédiens est fantastique, et Owuor est aussi joué par un acteur africain remarquable. Le film mélange avec tellement de naturel et de virtuosité les éléments poétiques des paysages et de la culture africaine, avec l’apprentissage de la vie de la petite fille (adolescente à la fin du film), la tragédie du déracinement et l’espoir d’une nouvelle vie, les vicissitudes du couple face à ces bouleversements (on se révèle souvent lorsqu’on sort de son univers de conventions et de son pays comme un écrin protecteur), la prise de conscience du drame global en tant que juifs (prise de conscience différente pour les trois personnages), et puis l’évolution des trois personnages au contact de ce pays extraordinairement différent et beau.

Alors c’est vrai que c’est une saga, et que la forme souffre parfois un peu de clichés (positifs et humanistes) sur l’Afrique. Mais le fond bénéficie d’un souffle épique qui m’a vraiment touché, en plus d’une évocation supplémentaire des juifs pendant la guerre et de l’antisémitisme que j’ai trouvée particulièrement habile, délicate et émouvante.

Nowhere in Africa

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