Je voulais la voir cette pièce hein, je suis allé jusqu’à Moissy-Cramayel, dans le 77, pour cela !! Parce qu’une adaptation de la vie de Bambi sur les planches, je ne vois pas ce qui serait plus dans mes cordes. Bambi c’est Marie-Pierre Pruvot, qui est née en Algérie en 1935, et qui fut une des premières femmes trans de notre pays. Elle fut connue comme une meneuse de revue et danseuse de cabaret, mais elle a surtout été enseignante et autrice une bonne partie de sa vie.

La compagnie du théâtre de l’Estrade crée des œuvres qui sont autant de supports de médiation culturelle avec des lycéens, et donc c’est une démarche de fond assez différente des processus de création plus conventionnels. En revanche l’intérêt manifeste là est de proposer des opportunités de travaux avec des lycées de la région sur le sujet de la tolérance et plus globalement de la diversité sexuelle et de genre. Donc l’œuvre présentée est à la fois une proposition de la compagnie, mais aussi un outil de travail pédagogique, et la résultante des échanges avec les élèves, et aussi des interactions avec Marie-Pierre Pruvot.
L’idée c’était de reprendre le roman autobiographique de Bambi qui s’intitule « Marie parce que c’est joli », et qui rend compte chronologiquement des étapes importantes de la vie de l’artiste. Ainsi, on suit différentes saynètes qui nous montrent les moments charnières de sa vie, depuis son enfance, puis adolescence et vie adulte jusqu’à la transition de genre et au-delà avec notamment le passage au cabaret, chapitre après chapitre du livre. La mise en scène est très dynamique et enlevée, et j’ai aimé que ce soit si vivant et syncopé.
Le recours à des vidéos et des écrans secondaires sont aussi de chouettes ajouts qui aident à la compréhension, et donnent aussi beaucoup de peps à la mise en scène. Après je regrette un peu que l’écran déporté (qui était une bonne idée) ne soit que peu utilisé (très bien vu en revanche pour la scène du confessionnal), et devienne un peu un gadget. Mais on a aussi une musique très présente et tout cela rend le spectacle vraiment agréable et fluide.
La volonté est clairement de se concentrer sur la vie de Bambi, mais en la rendant la plus universelle possible. J’ai regretté justement que ça ne soit pas plus « daté » et « référencé », mais j’ai compris que c’était manifestement conçu de cette manière à dessein (on a pu discuter en fin de spectacle lors d’un « bord de scène »), un peu comme pour 120 BPM. De même on est sur une pièce un peu trop courte à mon goût, mais je crois que c’est une forme qui devait seoir à des adolescents, donc un peu taillée aussi pour cela.
Il y a 3 comédiens et 1 comédienne sur scène, cette dernière incarnant Bambi à tous les âges, et globalement j’ai bien aimé leurs performances. Les acteurs jouent plusieurs rôles à chaque époque de l’artiste, et il y a un mélange des genres qui est très bien senti, l’un des comédiens jouant notamment la maman de Bambi, et chacun pouvant porter des talons hauts ou du maquillage. On sent bien la volonté d’ouvrir les possibles et les chakras des spectateurs.

J’ai passé un bon moment, mais j’ai trouvé que c’était une œuvre un peu limitée par son format à destination des lycéens. C’est bête car cette qualité profonde et sincère de travailler le spectacle dans un cadre pédagogique a finalement, selon moi, oblitéré sa portée potentielle. Bien sûr l’initiative est géniale, et il faut absolument la soutenir. Mais je regrette que ce travail de base très riche et intéressant n’ait pas pu servir aussi à nourrir une œuvre avec un peu plus d’ampleur et d’ambitions.

Quand on voit ce qu’on voit aux US (pour le moment), ce type de spectacles (même avec ses défauts) devient indispensable.
Mais oui absolument, et puis le spectacle vivant c’est la VIE !!!