MatooBlog

Pectus est quod disertos facit. ∼ Pédéblogueur depuis 2003 (178 av LLM).

Iwak #3 – Bottes (Boots)

Iwak c’est Inktober with a keyboard, donc tout le mois d’octobre : un article par jour avec un thème précis.

Souvent les figures adultes sont un peu effrayantes pour les enfants. Il y a tout de suite un côté sérieux, austère, rigoureux, à la limite de la méchanceté induite. Et puis il y a des exceptions, à commencer par sa maman souvent, et pour moi ma grand-mère bien sûr dont j’ai tant parlé, mais d’une autre manière plus subtile il y a aussi ma tante L.

Ce n’est pas tant qu’elle était gentille ou avec une approche habile des enfants, c’est jusque qu’elle était elle-même une gamine, même si pleinement adulte. Ma tante jouait réellement avec nous à tous les jeux qu’on voulait, et elle ne simulait absolument pas. Et c’est bien ce qui résume ce qu’elle était (et demeure sans doute aujourd’hui) : une enfant. Alors évidemment en termes psychiatriques, il y aurait d’autres qualifications. Dans la vie courante, on la dirait « un peu fofolle », quand on la connaît bien on peut aller jusqu’à « complètement barrée », et ça n’a forcément pas été évident de la fréquenter en tant que sœur, maman, épouse ou employée, mais cahin-caha elle a réussi à mener sa vie jusqu’à aujourd’hui.

Pour moi, ce sont des souvenirs très émus et tendres de gamins, avec cette femme qui construisait des cabanes avec nous, ou qui nous invitait à squatter chez elle quand on était adolescent. Il n’y avait juste aucune barrière chez L. Elle n’était que positive et optimiste, totalement superficielle et éthérée avec une passion pour la danse et l’expression de ses émotions les plus à fleur de peau. Et surtout mais qu’est-ce qu’on a ri ensemble, qu’est-ce qu’on a déconné en pleine et parfaite inconscience.

Elle avait ce côté complètement déconnecté de la réalité qui la rendait certes sympathique, mais évidemment avait des conséquences beaucoup plus néfastes sur ses enfants (oubliés bébés sur une plage ou dans la neige en hiver…) ou les côtés pratiques de la vie. Elle devait donc être sans cesse accompagnée et recadrée, ce qui a posé de gros soucis par la suite. Mes autres tantes me disaient qu’elle avait toujours été comme ça, et que c’était un mécanisme qui lui avait permis de s’échapper de certaines périodes très tristes et violentes de leur enfance. Mais L. était restée comme ça. A jamais la jeune fille rêveuse qui attendait son prince charmant…

Tous les matins, on passait en voiture devant chez eux avec ma maman, lorsqu’elle nous accompagnait à l’école. On jetait toujours un coup d’œil sur leur maison, et leur jardin qui était un gigantesque capharnaüm avec des herbes hautes et des gerbes d’orties de deux mètres de haut.

Un matin, on se rappelle encore régulièrement ce souvenir en famille, on passe donc devant chez eux, et c’était une matinée d’été et l’air était doux, le soleil dardait de ses premiers rayons. Et voilà qu’on aperçoit pendant trois secondes L. en majesté dans son jardin. Elle avait un peignoir rose terriblement froufrouteux et était toute enrubannée. Au milieu des mauvaises herbes, qui avaient remporté la bataille depuis des années, elle avait le regard dans le vide et contemplait son domaine royal l’air satisfaite.

Pour compléter sa tenue, elle portait en sus une paire de moon boots blanche, de bons vieux après-skis pour marcher dans la poudreuse, et cela paraissait être au moins des pantoufles de vair. C’est une image qui nous est restée, et qui est encore indélébile dans ma mémoire.

Elle est en maison de retraite aujourd’hui, et je n’ai pas eu de nouvelles directes depuis plus de 25 ans, mais je pense qu’elle est toujours aussi drôle et impériale. Elle en a eu de la chance, et des soutiens, pour survivre pendant toutes ces années dans cet univers parallèle. Mais heureusement que c’est possible !

    • Ah mais dans son univers, tout va toujours bien dans le meilleur des mondes. Pour tout te dire, une tante me racontait qu’elle n’avait jamais été aussi heureuse qu’à la maison de retraite. Elle disait qu’elle aurait voulu y aller avant tant c’était fun pour elle. Elle avait des centaines de gens avec qui bavarder, rigoler et surtout elle avait un public !!! Je suis certain qu’elle restera aussi dans les souvenirs de ces gens-là. :huhuchat:

    • Je pense qu’elle était trop à l’ouest en effet, mais pour ses enfants que c’était difficile… A 16 ans, ils l’avaient déjà surpassé en maturité, et à 18 ils devaient la prendre en charge. Elle a habité une bonne partie de sa vie chez sa fille. Vraiment pas évident à vivre ça.
      :croa:

  • Je la vois ta tante dans son jardin en moon boots.
    Et j’en suis ému…
    Tu as tellement l’art de raconter et de faire vibrer les cœurs. :coeur:

Répondre à Ben Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

:sourire: 
:clindoeil: 
:huhu: 
:bisou: 
:amitie: 
:mainbouche: 
:rire: 
:gene: 
:triste: 
:vomir: 
:huhuchat: 
:horreur: 
:chatlove: 
:coeur: 
:doigt: 
:merde: 
:ok: 
:narval: 
:mitochondrie: 
:croa: 
 

Les publications voisines

Post navigation