Je savais bien que j’allais voir un film fantastique français, mais j’imaginais que l’aspect fantastique sera un peu caché pour économiser sur les effets spéciaux, et que le côté français proposerait une métaphore bien intello et capillotractée pour expliquer la fibre fantastique. C’était cool de se tromper, et d’avoir un vrai film fantastique de très bonne facture, et avec des effets spéciaux et des maquillages de grande qualité, et donc très présents, visibles et assumés dans la narration. Et finalement une histoire qui est certes « à la française » mais qui embrasse parfaitement ce contexte singulier et « fantastique ».
Mais surtout quel bonheur d’avoir Romain Duris et Paul Kircher qui sont vraiment sublimes du début à la fin. Et Romain Duris vraiment m’a épaté, avec son jeu si authentique et attachant, et son personnage qui interroge aussi son rapport à sa famille, et à la société toute entière.
Il s’agit plus d’un film d’anticipation, donc plutôt à notre époque, et dans lequel les gens sont de plus en plus atteints de mutations qui les font évoluer peu à peu vers des « animaux ». Ainsi certains se transforment en ours, en chiens, en oiseaux ou autres bestioles. Mais le processus est lent et irréversible et super douloureux avec des corps qui évoluent en se transformant physiquement avec tout ce que sa implique sur l’ossature, la pilosité ou autres changements encore plus spectaculaires. Il y a aussi un changement moral et intellectuel, avec une transformation animale, et une sorte d’abandon progressif de l’esprit humain. Tout cela est considéré comme une maladie, et les malades sont isolés dans des centres hospitaliers.
La femme de Romain Duris est malade, et hospitalisée. Elle est déplacée dans un centre dans les Landes, et Romain Duris et son fils y déménagent pour la suivre et être proche d’elle dans le cadre de sa thérapie. Sur la route, le transport médical subit un accident, et tous les patients en cours de mutation se retrouvent en pleine forêt landaise. La police et l’armée tentent de les récupérer, et Romain Duris et Paul Kircher se lancent à leur tour pour essayer de retrouver leur femme/mère.
Paul Kircher a du mal à se faire à sa nouvelle vie et école, mais il fait quelques rencontres. Rapidement il réalise surtout qu’il est lui-même en train d’initier sa propre mutation vers un animal, et il se transforme peu à peu.
L’histoire est finalement assez simple, et l’écriture même est assez classique, mais si le film est si bien c’est parce que c’est remarquablement filmé, et tenus par des acteurs hors pair. Et là on retrouve la qualité du film français, il y a un charme incroyable dans ces plans, et dans la manière dont les relations humaines sont montrées. La relation père-fils est très belle et émouvante, et on ne peut être insensible à cet homme qui perd coup sur coup sa femme et son fils dans leurs transformations immuables, et un retour à la nature en conséquence.
J’ai aussi beaucoup aimé l’exemple de l’homme-oiseau et son apprentissage, tout cela aurait pu être ridicule mais ça ne l’est absolument jamais. Au contraire, les aspects fantastiques de ces bestioles, dignes de l’île du Docteur Moreau, sont toujours touchants et un peu effrayants. Et finalement, je m’attendais à une histoire métaphorique un peu comme dans « The Lobster » (film que j’affectionne beaucoup) et ce n’est pas tout à fait cela, c’est à la fois une histoire fantastique beaucoup plus littérale, et en même temps on ne peut s’empêcher de chercher des liens avec l’émancipation, le rapport à l’animal ou la vie en société.
Donc c’est un film qui se tient super bien, qui surfe sans problème sur sa thématique fantastique de base, mais qui propose avant tout une magnifique intrigue familiale et intime. L’évolution de Paul Kircher est remarquablement interprétée par ce jeune homme qui apparaît drôlement doué. Scène après scène, on voit dans son physique, sa manière de parler ou ses expressions que des choses sont en train de changer, de le changer. Et le film n’est pas chiant du tout, il est au contraire passionnant, bien rythmé, et donne ses lettres de noblesse au cinéma bien de chez nous. Pourvu qu’on en ait plein d’autres comme ça !!!
J’aime bien ton analyse du film, ça semble être plus un film d’anticipation qu’un film fantastique. On est habitué depuis longtemps à voir des films à gros effets spéciaux (donc à gros budget), très souvent américains, alors que les équipes cinématographiques françaises ont du talent. Je suis moi-même de temps en temps scénariste et je privilégie les histoires simples et humaines, car on s’est trop américanisé dans nos goûts de ciné, on est devenu en quelque sorte « accro » aux jeux d’acteurs quasi-absents, aux dialogues insipides et aux intrigues rocambolesques qui ressemblent à des jeux vidéos. De ce que tu en dis, ça me donne envie d’aller le voir
J’aime bien justement quand ça change des standards américains, mais ce que je préfère c’est quand on prend le meilleur de tout cela. Là il fait vraiment mouche selon moi !!
Content que ce film t’ai plu ! J’avais parlé de science-fiction mais anticipation est le bon genre ! J’avais presque oublié le mot
Ah ah, oui et ce n’est même pas encore le mot exact, car en définitive c’est prendre notre situation et époque actuelle et y plaquer un seul élément fantastique pour voir comment cela change la société. On pourrait presque parler de « dystopie uchronie » en fait. Il faudrait un nouveau mot !!!
Plutôt dans ce sens, une uchronie dystopique ou une uchro-dystopie pour faire simple…
Ah il me faut une belle étymologie avec du grec et tout !!!