MatooBlog

Pectus est quod disertos facit. ∼ Pédéblogueur depuis 2003 (178 av LLM).

La chambre d’Albert Camus, et autres nouvelles.

Ca y est ! Ron a donc publié son premier roman, et j’en suis hyper content pour lui. En outre, connaissant les qualités de son blog, je ne doutais pas que le bouquin tienne la route. Et plus que cela, il s’agit d’un bon roman, un recueil de nouvelles poignantes, et à la lecture agréable.

On retrouve donc certains posts de notre infirmier blogueur, qui ont été compilé pour donner un livre qui compose, par touches impressionnistes, un portrait plus ou moins complet. C’est un peu frustrant pour les fans comme moi, mais le choix est judicieux, et il mixe avec habileté les récits les plus émouvants, drôles, révoltants, crades et les célèbres « insoutenables ». Et à la page 92, on peut comprendre qu’il est pédé, donc je ne lui fais même pas de procès à ce sujet (je l’avais asticoté à ce propos).

Le bouquin se lit d’une traite, et il possède cette qualité qu’on retrouve dans le blog, et qui fait mouche sur les deux médias. Il y a le piment de la série « Urgences » avec le personnage attachant de l’infirmier, et ses réflexions, son humanisme ou ses états d’âme auxquels on ne peut rester insensible. On retrouve donc la crudité du corps médical et la particulière difficulté, voire ingratitude, du métier d’infirmier, que la profession soit libérale ou hospitalière. Le tout est servi par le regard de Ron, et par sa philosophie de vie, ce truc qui lui permet de passer à travers des événements insupportables avec la distance nécessaire et le recul professionnel, tout en acceptant ses sentiments et ses émotions.

Et puis le charme de ces textes vient aussi du ton qu’il utilise. Sans trop juger, sans trop se la ramener, il raconte son existence par le filtre de cette profession, qui forcément a une influence sur sa vie quotidienne. Les rencontres sont évidemment pleines d’affects et de moments charnières de l’existence… la vie, la mort, la vieillesse, la maladie, les cas sociaux, la souffrance, le handicap. Donc on ne peut que s’identifier, et bien souvent avoir du mal à croire l’authenticité de certains témoignages, mais on peut aisément imaginer que sur le nombre de patients rencontrés, cela ne forme qu’un pourcentage tout à fait acceptable de cas peu banals. Et on n’imagine jamais à quel point certaines « extravagances » sont répandues.

La plume de Ron y est intacte, mais là j’ai été un peu déçu pour le passage au roman. J’aime beaucoup sa manière d’écrire, mais je me suis rendu compte que j’étais beaucoup moins difficile sur le blog. Parce que le blog, c’est écrit d’une traite, c’est un instantané de la journée, et que l’on sait que la personne n’a pas non plus tout le temps pour faire ça à la perfection. Là j’ai véritablement senti les différences de « niveaux » entre les différentes nouvelles, qui ont pourtant été retouchées pour la publication. A certains moments, Ron est très bon, il sait toucher et insuffler à son récit une vraie fibre littéraire. Mais à d’autres, on est vraiment trop dans le blog, et les tournures, les chutes ou les paragraphes ne s’enchaînent pas très bien, ou alors ne fonctionnent plus vraiment dans ce cadre. Car certains posts ne marchent qu’en tant que tel, que lorsqu’ils sont livrés en pâture au public et qu’ils révèlent leur saveur, tout en étant périmés le lendemain.

Donc je regrette presque qu’on n’ait pas donné l’occasion à l’auteur de réécrire tout ça. Car il y a une matière géniale, et surtout un homme doué, intelligent, sensible et qui sait parler à son lecteur, de la même manière qu’il a su parler à son « visiteur ». Le bouquin est un concentré d’émotions, de la plus tendre à la plus passionnelle, et je suis persuadé que Ron aurait pu mener un récit plus homogène, plus « écrit », et en rupture finalement avec le blog (en tout cas dans la forme). Je vous assure que certains passages démontrent une belle maîtrise de la narration, et ne sont pas qu’un exposé factuel avec une boutade à la fin.

Par rapport à ces blogs qui sont devenus des bouquins, il n’y a pas photo, celui de Ron est de loin celui qui le méritait, tant dans le fond que dans la forme. Et le résultat est là… avec une très belle couverture, et quelques heures de plaisir de lecture. Et puis je suis content et fier de lui, pour moi simple lecteur, il est jubilatoire de retrouver ainsi ses histoires bloguesques couchées sur le papier. Donc j’imagine que pour lui, c’est une chouette consécration, et un bel « achievement » comme on dit dans mon jargon. La suite, la suite !

La chambre d'Albert Camus, et autres nouvelles - Ron L'infirmier

  • J’attends mon exemplaire, le facteur prend tout son temps !:hum:
    Comme j’ai pris le train de Ron en route, je ne pourrais pas comparer les deux versions. Mais certain que ça va me plaire.
    ———
    Quoi ? :eek: « Pectus est quod disertos facit ». Ce proverbe chinois dit rigoureusement l’inverse « Qui élargit son coeur rétrécit sa bouche. » :pompom:

  • Keske tu es râleur, quand même ! :-) Je te trouve un peu dur. Certaines histoires sont très courtes, et toutes ne se prêtent pas forcément au même type de narration… Je ne vois pas pourquoi le style devrait *forcément* être différent sur le blog et dans un bouquin. C’est le style de Ron, il ne va pas en changer parce qu’il passe du Web au support papier… Que l’écriture soit retravaillée, ok, mais le style de Ron reste le style de Ron ! J’ai un peu du mal à comprendre ce que tu reproches au bouquin, en fait.

  • :book:je suis d’accord, c’est un bon bouquin, un bon moment, des moments plus poignants que d’autres. on serre les dents pour ce clochard et son dos un peu spécial, on verse une larme pour cette promesse faite à une petite fille, je n’en dis pas plus, c’est…..c’est Ron, filez acheter son livre ! :lol:

  • Je comrpends pas trop la contruction de cette phrase: « Par rapport à ces blogs qui sont devenus des bouquins, mais il n’y a pas photo, c’est de loin celui qui le méritait, tant dans le fond que dans la forme. Et le résultat est là… »

    Sinon j’aime bien ton impartialité sachant que tu connais l’auteur.

  • Sortir un livre ne fait pas de lui un écrivain/romancier. (et cela ne retire rien au plaisir qu’on peut avoir en lisant le livre, et le boulot de relecture avant la sortie)

  • Je serai curieux de savoir ce qui délivre le précieux sésame pour être écrivain. Etendre du linge devant chez Gallimard, sûrement ?

    (Petite) blague à part, merci Matoo pour ta lecture honnête. Je sais exactement de quels textes tu parles ;-)

  • McM, les rumeurs de petite bite sont tout aussi fondées. Tu me dis qu’écrire un livre ne fait pas de moi un écrivain, je trouve que c’est la phrase la plus conne du mois et j’essaye de te le dire gentillement. Tu me réponds que j’ai la grosse tête, je vais te le dire simplement : j’ai le droit de l’avoir un instant, tu permets, dis. Je suis fier de mon livre et du bonheur procuré à mes proches. Je crois avoir le droit de me la péter quelques temps. Et crois moi sur parole, je vais même continuer à écrire de putains de bons textes quotidiennement pendant la même période. Juste histoire de prouver qu’avoir le melon n’empêche pas l’écriture.

    (Sinon, tout va bien, hein) :petard:

  • Je réalise que je ne suis pas chez moi, je vais donc essuyer mes pieds à nouveau avant de partir, désolé…

    Matoo, on se boit un verre rapidement, j’ai plein de potins. :rigole:

  • « La phrase la plus conne du mois »… Désolé, je trouve que ce n’est pas idiot de ne pas mettre tous les écrits sur le même plan. Et en littérature comme en musique, même s’il y en a pour tous les goûts, la complexité d’une oeuvre, la qualité de l’écriture, la portée symbolique (et d’autres critères), permettent de distinguer une oeuvre d’une autre, de mettre en évidence ses qualités et ses faiblesses. Par exemple, en tant qu’écrivains, on ne met pas sur le même plan Particia Cornwell et Marguerite Yourcenar (même s’il y a forcément dans ce genre de jugement une grande part de subjectivité).

  • sa tête mérite à être connu avec un bouquin pareil. Mais rappelez-vous, ce n’est pas la cervelle qu’on suce !! :langue: je sors :boulet:
    C’est vrai que MCM en a une petite ??? Crache tes sources !

  • Il me semble qu’un deuxième livre, plus personnel et plus « écrit » (dans le sens moins tiré du blog) sortira ensuite, non ?
    Moi, c’est ce deuxième que j’attends avec impatience… même si je vais me ruer sur le premier dès mon retour en France !:book:

    (et au fait: putain mais laissez-le jouir :langue: de son bonheur du moment bordel ! On sort pas un bouquin tous les jours, et un bon bouquin encore moins…)

  • Koki va faire un tour chez samandti, elle parle justement de ça ;-)
    Et oui, il y a des bouquins de blogueurs qui tombent des mains, mais celui de Ron se lit d’une traite, et j’attends le deuxième avec intérêt (il sera certainement plus travaillé)

  • Koky : on peut estimer que tout le monde est un écrivain en puissance mais ne pas mettre tous les textes sur le même plan. Je crois que tu confonds un peu les deux jugements.

  • Complément :

    Tout le monde présente Ron comme « un blogueur qui a écrit un livre » alors que je suis convaincu qu’au fond, c’est un écrivain – en puissance – qui a écrit un blog (parce que c’est plus rapide et moins chronophage, mais aussi parce que la blogosphère c’est plus sympa et plus accessible que les salons de la rive gauche, et qu’il y a le bonus des commentaires et des stats).

    Et lui refuser un instant de fierté serait vraiment égoïste…

    Je me souviens quand Amanda m’a demandé, à mon passage en France, de chercher le bouquin. J’étais à Toulouse pour une conférence, je me suis tapé la Fnac, Gibert, deux indép’, que dalle. C’était en octobre, elle s’était gourrée sur la date de sortie :langue:

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