Finalement, je n’ai pas réussi à rentrer chez mes parents vendredi soir, car je n’ai pas pu les joindre en temps et en heure. Si les ieuves se mettent à sortir aussi, mais où va-t-on ! En fait, comme mes parents habitent à 20 minutes en voiture de Cergy-Pontoise, je ne peux pas vraiment débarquer à l’improviste. Du coup, j’ai passé le vendredi soir chez moi à Nation. M. était invité à un dîner, je suis donc resté avec A. à tranquillement mater la télé. Je savais que M. voulait rester un peu seul ou avec ses potes, donc j’ai pensé que cette soirée lui ferait du bien.

En effet, il est rentré tard complètement métamorphosé. Je n’ai pas bien compris, mais à priori les conversations qu’il a eu là-bas lui ont fait du bien à la fois en condamnant son attitude envers moi, mais aussi en comprenant son mal-être conjoncturel. Donc j’ai retrouvé un M. enamouré et beaucoup plus détendu que ces derniers jours.

Je suis arrivé sur Cergy le lendemain après-midi, ai fait la tournée de la famille avec ma maman, et notamment je suis allé voir mon grand-oncle et ma grande-tante (88 et 89 ans) qui m’ont bien agacé. Ma mère m’a répété qu’il valait mieux acquiescé même si l’on était pas d’accord car on allait pas les changer à leur âge. En effet, c’est plus sage, mais sur certains sujets, je ne peux m’empêcher de réagir. Il y avait notamment une amie de ma grande-tante qui était là, et qui faisait son boulot de se plaindre (aaaah la vieillerie, que voulez-vous !!) puis de plaindre les autres (Oh mon pôôôôôôvre !). Mon grand-oncle souffrant de dégénérescence rétinienne, il est presque aveugle et déprime de plus en plus. Il n’arrête pas de dire et répéter qu’il a assez vécu et qu’il a été heureux pendant sa vie, que lorsqu’il regarde en arrière, il ne regrette rien et pense qu’il a suffisamment vécu pour passer l’arme à gauche en toute quiétude (il dit qu’il ne se suicide pas à cause/grâce à sa femme, pour ne pas la laisser seule). Il a conclu en me jetant un regard sombre et murmurant : « Y’a vraiment pas de bon dieu ». Ce à quoi je lui ai répondu tout haut et distinctement : « Alors ça, c’est SUR ! ». Alors la vieille pineco de ma grande-tante m’a lancé un regard droit et noir dans le genre « vade retro blasphémateur ». J’ai simplement soutenu son regard en disant clairement : « Ah mais, en plus, figure-toi que je persiste et signe ! ». Elle a encore tenté de me faire baisser les yeux quelques secondes, et puis elle a rétorqué du bout des lèvres qu’elle ne pouvait de toute façon rien faire pour me convaincre. J’ai simplement répondu par l’affirmative en ajoutant : « en effet. ». Pendant ce temps là, ma mère souriait discrètement à mon effronterie, tandis que ma grande-tante essayait depuis déjà 5 minutes de proposer tout ce qu’elle avait dans ses placards pour nous faire changer de sujet.

Le soir, j’ai pris la bagnole et suis allé chez mon cousin et sa femme qui m’avaient invité à dîner. Ils habitent depuis assez peu une maison (une longère authentique en fait) dans la vallée de l’Epte. C’est en fait la limite entre le Val d’Oise (95), l’Oise (60) et l’Eure (27). Cette région, frontière entre le Vexin et la Normandie, est magnifique. J’ai pris les petites routes pour aller jusqu’au minuscule village où ils habitent (perché au sommet d’une colline qu’un château surplombe et dont il ne subsiste que des ruines ): Château-sur-Epte.

C’est à deux pas de Saint-Clair sur Epte qui est assez connu pour son traité qui a fait naître la Normandie en 911. Je suis sur que personne n’a oublié cette histoire qu’on apprend en primaire, de la négociation entre le roi des francs Charles le Simple, et Rollon le chef des Vikings. Ce dernier devait baiser les pieds du roi en signe d’allégeance, mais par fierté il se refusait à un tel geste. Ne voulant porter affront, il porta plutôt le pied du roi à sa bouche, le roi se péta alors la tronche, mais Rollon baisa son pied sans se baisser !

J’ai passé une excellente soirée en compagnie de mon cousin et sa femme. Nous avons beaucoup parlé et largement évoqué notre famille et ses multiples psychopathologies transgénérationnelles (rien que ça !). Mon cousin a entamé une thérapie il y a déjà quelques années, et en a tiré un soulagement incroyable, d’ailleurs je me rends aisément compte de la manière dont cela l’a apaisé et rendu beaucoup plus posé, réfléchi, et zen. Je l’ai connu tellement énervé, irascible et en colère contre tout, que c’est un plaisir de le rencontrer enfin en relative paix avec lui-même. Il n’est pas arrivé au bout de son chemin, mais déjà le niveau de conscience auquel il est parvenu a suffit pour changer sa colère en tempérance. Le seul point sur lequel j’ai une opinion plus nuancée, c’est son attitude à responsabiliser tout en culpabilisant autrui. Il a tendance à vouloir chercher à qui « la » faute incombe. En fait, son but tel qu’il a exprimé est simplement de « rendre ce qui ne lui appartient pas ». Mais c’est vrai que dire ses quatre vérités à ses parents de 60 ans qui sont sclérosés depuis des années, n’est pas la panacée à ses problèmes, ni un moyen de faire surgir une prise de conscience à son interlocuteur. Enfin, je me dis aussi que ces chocs sont salutaires pour leur aptitude à remuer la merde, et à provoquer des réactions, aussi diverses soient-elles.

Je suis rentré vers 2h du matin, je me suis arrêté dans les champs. J’ai éteint le moteur, j’ai regardé les étoiles. C’était calme, c’était beau. Le ciel était maculé de constellations et j’ai pris plaisir à contempler les pléiades, Pégase, Cassiopée ou bien Véga, Altaïr, Deneb et bien sûr Mars (c’est hallucinant comme on la voit bien). J’adore ces noms d’étoiles, tellement étranges et familiers à mes oreilles.