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Pectus est quod disertos facit. ∼ Pédéblogueur depuis 2003 (178 av LLM).

Intra Muros (Alexis Michalik) au Théâtre 100 noms de Nantes

Alexis Michalik, un peu comme Florian Zeller dans un genre différent, c’est vraiment un auteur de théâtre majeur dont les succès sont à chaque fois tonitruants, et aussi bien de la critique, que du public. Ses pièces se jouent depuis des années partout en France, et il y a quelques années c’est Edmond qui a été adapté pour le cinéma. Je ne déteste pas ce qu’il fait, mais je ne suis pas non plus le plus grand fan.

Ce qui m’ennuie à chaque fois c’est le côté sentiments un brin mièvres, des intrigues imbriquées qui perdent rapidement en crédibilité, et l’insistance sur des twists et révélations qui deviennent un peu abracadabrantesques à mon goût. Mais je reconnais toujours une très belle écriture, de chouettes mises en scène, et une plume énergique, imaginative et très alerte qui font des spectacles où on ne s’ennuie pas.

Dans Intra Muros, l’intrigue tourne autour d’un atelier théâtre montée dans une prison par un prof d’art dramatique sur le retour et une toute jeune assistante sociale. Seuls deux hommes se présentent à cet atelier, un jeune gars un peu espiègle et bavard, Kevin Garcia, et son acolyte de maison d’arrêt : un grand échalas, au visage fermé, plus âgé et mutique qui s’appelle Ange Bernardini. Avec l’aide d’une comédienne, qui est l’ex du prof, l’atelier va se tenir, et cela commence par des exercices de base de théâtre. Peu à peu, les exercices mènent à des explications sur la présence de chacun à cet atelier, et des liens inattendus entre eux.

La pièce est pour moi du Michalik pur jus, et donc avec les maladresses, selon moi, que j’ai indiquées. J’ai été encore dérangé par des intrigues et sous-intrigues trop nombreuses et alambiquées, et des personnages finalement peu crédibles. Mais il y a aussi les qualités que j’ai citées, avec une mise en scène (et en abîme) vraiment brillante et inventive, et un musicien sur scène (qui joue de la musique mais aussi des bruitages) qui ajoute une énergie géniale. J’ai adoré la manière de figurer les flash-backs des personnages, il suffit de quelques notes de musique, de bouger deux chaises et changer la lumière, et on est vraiment projeté en quelques secondes dans la scène. C’est vraiment la magie du théâtre dans son extraordinaire capacité à faire imaginer des choses très ambitieuses avec deux bouts de ficelle (bon, là il y avait un peu plus de moyens).

Mais vraiment l’immense qualité de ce spectacle nantais et de cette distribution locale, ce sont les trois comédiens et deux comédiennes (et le musicien tout aussi important et doué). Ils sont tous parfaits, mais comme j’ai rarement vu sur scène avec une excellence aussi homogène. J’ai été épaté, car ils sont justes, complètement possédés par leurs personnages, et ils passent d’un personnage à l’autre (chacun incarne un série de personnages dans les intrigues secondaires) en quelques secondes tout en changeant de vêtement et en se mouvant très rapidement d’un bout à l’autre de la scène. Cela donne aussi l’image d’une sacrée performance physique pour eux ! Je me suis rapidement beaucoup attaché aux personnages, grâce à ces comédiens et comédiennes fabuleux.

Il y avait bien des passages casse-gueule, où le texte est un peu sur le fil pour moi, mais ils s’en sortent tous très bien, que ce soit pour décrire un cheminement familial et social qui mène en prison, ou un parcours amoureux et passionnel ou bien une enfance en l’absence d’un père. Donc le petit problème pour moi reste cette complexité narrative un peu artificielle et la tendance terrible de l’auteur à ripoliner tout son théâtre de bons sentiments amélipoulinesques (on se sent vraiment contraint à l’émotion à certains moments, au risque d’être considéré comme un psychopathe le cas échéant).

La pièce m’a beaucoup intéressé également pour l’incursion même du théâtre dans le sujet. Il y a bien la mise en abîme des histoires racontées, et on ne sait plus trop à un moment si ce sont des flash-backs ou bien des exercices de théâtre où on exorcise ainsi son passé. Dès le début de la pièce d’ailleurs, qui est introduite par le prof de théâtre, il y a un petit jeu consistant à interpeler les spectateurs, et faire comprendre que la pièce, en réalité, a déjà commencé ! Et donc ensuite, on est consciemment au théâtre. Le jeu se poursuit très explicitement par la suite, et j’ai bien aimé qu’on puisse sérieusement questionner ce qui est montré là. Est-ce que c’était vraiment un récit factuel, ou bien une fiction de théâtre sublimée par des souvenirs ? Et donc mes reproches sont peut-être un peu gommés par ce petit tour de passe-passe. ^^

En tout cas, juste pour ce tour de force de jeu et d’implication des comédiens et comédiennes, pour cette mise en scène fascinante de virtuosité, et pour ce mystère résiduel autour de la notion de « théâtre » c’était une très très bonne pièce. ^^

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