Qu’il est beau ce titre, et qu’il rime si bien avec le bouquin. On dirait qu’il s’agit vraiment d’une contraction à l’extrême de ce roman, et en somme il en résume parfaitement bien le contenu. Donc, le nouveau Gilles Leroy, il est comment !!? Bah il est vraiment bien !!
C’est un roman mais bien assumé comme une parenthèse autobiographique dans l’oeuvre de l’écrivain, et le bouquin rassemble ce qui me plait le plus dans cet auteur. En effet, on y retrouve son parler franc et superbe (ah là là quelle plume…), notamment son adorable candeur quant à l’homosexualité, et le mélange aussi curieux et charmant que pour Zelda avec l’incursion de l’épouse Ceaușescu !! Car tout commence par un voyage en Roumanie où l’auteur doit aller présenter un roman (il est très demandé depuis le Goncourt évidemment). Il y fait la rencontre fortuite de Marian, un jeune homme qui travaille pour une librairie, et là c’est le coup de foudre. En parallèle du récit de cette troublante histoire d’amour, Gilles Leroy conte les derniers moments d’Elena Ceaușescu, femme du dictateur communiste, et des deux fameux (horribles) époux dont on a suivi la chute sanglante en 1989.
Marian a 26 ans et Gilles en a deux fois plus. Ma première frayeur était de me dire que j’allais tiquer sur l’histoire d’amour un peu biaisée d’un homo français quinqua et son micheton roumain, ce qui suggère tout de suite une caricature bien glauque. Même si ayant lu l’auteur à maintes reprises et dans d’autres situations amoureuses, je me doutais que ça ne pouvait pas se résumer à cela. C’est évidemment tout le contraire qui se passe, et on succombe très rapidement à cette histoire d’amour sincère et qui bouleverse ses protagonistes. D’ailleurs Marian est très loin du groupie profiteur, et on se retrouve même dans une situation ironiquement opposée alors que le jeune roumain devient une star du rock montante et que leur idylle fait les gorges chaudes de la presse locale.
Gilles s’intéresse donc un peu plus que prévu à la Roumanie, et son dévolu sur Elena Ceaușescu surprend au premier abord, et ensuite plus du tout. Il n’est évidemment pas hagiographique à son propos, mais on ne peut s’empêcher de lire une réelle fascination (morbide ?) pour cette femme à la destinée si épique et tragique, en même tant que la collaboratrice active de cette tyrannie exercée en Roumanie de 1965 à 1989 (!!!). J’ai été d’autant plus marqué par ces « incisions » dans le roman qu’elles contrastent énormément avec l’autre intrigue. Cela donne en revanche un rythme bien plus agréable et une tonalité au roman beaucoup plus originale que si l’on avait lu que l’histoire d’amour entre les deux hommes.
J’ai en revanche toujours la même frustration avec Leroy depuis quelques bouquins. En effet, une fois que je suis rentré dans le bouquin, que ces deux intrigues m’ont alpagué, que son verbe m’a de nouveau conquis, voilà que cela s’arrête en bon chemin. Là plus que jamais, la rupture des intrigues est nette et chirurgicale. J’avais tellement envie d’en connaître plus, de passer plus de temps avec ces personnages et ces situations… Mais c’est peut-être là aussi une des facettes intéressantes de l’ouvrage, consistant à nous emmener dans son cheminement romanesque mais nous réveillant au bout d’un moment dans un sursaut avec une double-fin biographique dont on ne veut pas… Mais la réalité finit toujours par nous rattraper sans doute.
Bah tu sais quoi ? Je partage tout à fait ton avis sur les derniers bouquins de Leroy … Et moi aussi, ça me saoule tellement que je ne suis pas certain d’avoir envie de me jeter dans celui-là pour ressentir la même frustration
Coitus interruptus, en quelque sorte. C’est lui-même qui fait échouer la relation parce qu’il est convaincu qu’elle échouera.
Mais peu convainquant, finalement : c’est lui le maître de son temps, et s’il choisit d’être loin de Marian, c’est son choix. N’est-il pas de ceux qui préfèrent les affres de l’amour à l’amour, la douleur de la distance aux plaisirs et aux joies de la présence ? Ne serait-il pas un peu maso (ou très romantico, ce qui se rapproche) ?
Quant à Elena Ceaucescu, oui, il s’identifie à elle d’une certaine façon, son sang à elle à la fin symbolise sa propre (auto)immolation (ou celle de son amour). Maso, je vous ai dit.
Je n’ai rien lu d’autre de lui, son écriture est belle, mais ce qu’elle véhicule ne me donne pas trop envie d’en lire d’autres œuvres.