Iwak c’est Inktober with a keyboard, donc tout le mois d’octobre : un article par jour avec un thème précis.
C’était il y a 18 ans, alors qu’on était en week-end à Lille avec des amis. J’en ai déjà parlé ici, mais j’en remets une couche pour l’occasion car c’est un souvenir important. On avait vu ce rassemblement alors qu’on se promenait dans le centre de Lille, notamment en sortant de la station de métro lillois République – Beaux Arts. Et comme vous pouvez le constater, ce n’était pas un petit rassemblement, et ça nous avait intrigué car la moyenne d’âge était vraiment basse. On était vraiment sur des minots de 15-17 ans, et voyez le look de l’époque.



Et l’époque c’était la fin du mouvement Tecktonik, en tout cas dans son âge d’or. Ce curieux mouvement qui a cru, a explosé et s’est clos en tout juste deux années, mais qui a brillé très fort et très vite en 2006 et 2007 d’une grande passion juvénile et dévorante. La Tecktonik qui est née au Métropolis, mythique club de banlieue parisienne (que j’ai fréquenté bien avant cette période
), et qui était autant une manière de danser que de s’habiller, et un « style » quoi. Des gestes syncopés inquiétants qui rappellent le voguing mais en mode je me démonte les articulations à 120 BPM, des coiffures très nippones rappelant Son Goku et des fringues un peu dark-emo, je dirais : Nicolas Sirkis époque Indochine des années 80 (mais bon il a peu changé
). Et des joutes de danses féroces et tapageuses sur une techno d’une qualité douteuse : c’était tout ça la Tecktonik.
Et voilà le combat tel que je l’ai capturé à l’époque ci-après. On reconnait bien la chorégraphie mimétique d’une transe convulsive : je m’arrache les bras et les jambes en rythme. L’originalité de ce combat, dont je ne mesure pas si c’était commun à l’époque, c’est qu’il s’agissait d’une opposition entre deux cultures. On avait une opposition en plus très sociale et sociétale très intéressante. Car la Tecktonik était plutôt un mouvement « blanc », banlieusard et prolo. Et là deux jeunes Tecktoniqueurs à l’allure caucasienne étaient opposés à deux jeunes hip-hopeurs racisés (bon le terme est très anachronique, mais je le trouve utile).
Je n’ai pas pu tout documenter malheureusement, mais l’ambiance était électrique. On était arrivé alors que la foule commençait à s’agglutiner, mais il y avait encore des pourparlers entre les jeunes des deux mouvements. Cela ressemblait vraiment à une rencontre entre les Jets et les Sharks, et on les voyait se tancer, se jauger et s’invectiver. J’avais d’abord d’ailleurs cru à une simple baston, avec des badauds qui étaient au spectacle comme dans une affreuse cour de récréation.
Mais rapidement, on a vu les blasters émerger, des beats s’échapper, et les bougres se sont mis en représentation les uns après les autres. Tecktonic, Hip-hop et vice-versa. Chacun se donnant à fond, en chambrant les autres pour les déconcentrer, mais avec aussi des rires et des sourires. Le Hip-hop se foutait clairement de la gueule des petits blancs et leur Tecktonic de merde, et les autres cherchaient à choper leurs galons.
Bah ça s’est finit comme ça. Sous les cris des quidams qui s’étaient regroupés autour d’eux, en réalité pour les encourager, et les opposants se sont quittés en se respectant, sans que personne ne gagne quoi que ce soit. C’était juste ça, une joute sans mort à la fin, Montgommery n’a pas tué Henri, et tous ces gens bien défoulés ont pu continuer leurs errances du samedi après-midi dans le centre de Lille.
C’était un truc la Tecktonik, tout le monde l’a déjà oublié, alors à mon humble niveau, je rappelle que ça a été.

Intéressant ! j’ai entendu parler de Tektonik à l’époque (mais j’étais déjà bien loin de tout ça) et oui, c’est étonnant l’allure à laquelle c’est apparu et reparti…
J’étais carrément pas dans les âges de ces jeunots là non plus hein. Donc j’ai aussi vu ça de très loin.
Un reportage historique… Qu’est-ce qui fait certaines modes deviennent de vrai mouvements, alors que d’autres sont rapidement oubliées, comme la tektonik?
Je ne comprenais pas la tektonik, ce qui faisait son succès : ça rimait à quoi une danse où on gigote juste des bras ? J’en étais à me demander si ça n’avait pas été inventé par des danseurs de danses irlandaises qui avaient besoin de refaire circuler le sang jusqu’à leurs mains après une session de répétition trop intense, lorsque le soufflé est retombé à une vitesse folle. Ça avait envahi l’espace médiatique et d’un seul coup, plus rien (du moins vu du point de vue de quelqu’un d’extérieur, qui suit l’actualité diverse et variée).
J’ai reconnu la place au premier coup d’oeil:-) Cet endroit est, depuis qu’il existe ( 40 ans je dirais), le lieu des battles de dance en tous genres à Lille. J’ai des photos de mes frangins à l’époque du smurf (la danse pas les non potes de Gargamel) dans cette arène qui datent du debut des années 80. Cela a toujours été bon enfants, c’est ch’nor.
Oh mais merci pour l’info !! Moi qui vais sur mes 50 ans, je vois parfaitement ce qu’est le smurf !!!!