J’avais vu l’année dernière Totoro à Londres au Barbican Centre, et c’était un spectacle d’une beauté, poésie et perfection assez dingue. Il s’agissait d’une création de la Royal Shakespeare Company, et je pense que ça jouait sur l’approche très artistique et onirique des choses. Là cette adaptation de Chihiro est une production tout à fait japonaise, et avec une ambition hors-norme quant aux moyens pour les effets spéciaux et deus-ex-machina.
Et c’est indéniablement très réussi, et à la hauteur des attentes, on a trois heures d’un show extraordinaire qui reprend presque plan par plan le film, et les péripéties avec l’entièreté des effets qui sont plus ou moins littéralement reproduits. Malgré tout, j’ai préféré Totoro, mais plus parce que l’histoire se prêtait selon moi un peu plus à ce genre de transposition. Clairement Spirited Away est sans commune mesure en termes de complexité et d’ingéniosité des décors et des chausse-trappes qui permettent tout ces effets sublimes. Et vraiment c’est un sans faute, on a même des surprises avec des détails du film qui sont repris littéralement et traités à merveille1.
En revanche, pour réussir à refaire ce film fou, il y a des décors de fou et un foisonnement de personnages, de monstres, de danseurs, de marionnettistes etc. Et vraiment ça bouge partout partout partout !! Parfois c’est un peu trop fouillis, et on s’y perd si on ne connaît pas le film et l’intrigue. Et c’est un peu le même phénomène avec l’histoire en tant que telle. Le film est déjà un peu compliqué à appréhender, surtout pour des européens, et sous cette forme je crois que c’est encore un peu plus difficile. On était avec des personnes qui ne connaissaient pas le film, et clairement ils étaient tous largués.
Mais si vous connaissez bien le film (pour l’avoir vu sans doute 20 ou 30 fois comme moi ), alors c’est un vrai délice d’avoir cette version « en vrai ». Et on est dans une production impeccable où on ne trouve absolument aucun défaut ou erreur d’exécution, c’est super impressionnant. Surtout quand on réalise la taille des décors, et tout est superbement animé et mobile. La scène entière tourne énormément pour passer en dehors et en dedans des bains selon l’intrigue, et l’ensemble est orchestré avec une fluidité hallucinante.
C’était parfois un peu frustrant de ne pas être un peu plus près pour mieux voir les visages et les expressions des comédiennes et comédiens. Le personnage du bébé géant est joué par un adulte, et manque un peu de « gigantisme » malgré les ajouts près du visage, et les trois têtes vertes sont jouées par un seul type avec deux tête attachées à ses poings (ce qui est très habile et fonctionne pas trop mal). Les petits bonshommes en papier sont aussi un peu décevant par rapport à la magie « venteuse » de la scène d’origine. Et c’est difficile de jouer avec des petits personnages comme le bébé transformé en rongeur qui se fait transporter par un insecte bourdonnant.
Mais malgré toutes ces petites déconvenues, la magie de Chihiro est là, et elle est géniale !! Les yōkai sont super réalistes et pullulent autant que dans le film, on retrouve aussi l’activité (littéralement) bouillonnante des bains, et toute la mythologie japonaise qu’on peut attendre d’une telle œuvre dans chaque scène.
Il paraissait tellement impossible de réussir à adapter un tel film que ça reste une prouesse déjà fabuleuse. Et je suis ultra content d’avoir eu la chance de voir ça !!!
- Notamment quand Sen sent l’odeur méphitique d’un esprit super crade, et qu’elle fait une drôle de tête avec ses cheveux qui se dressent sur la tête, eh bien là un type avec un gant noir remuaient les mains derrière sa tête pour illustrer cela avec un effet génial. ↩︎