J’en attendais beaucoup parce que j’aime énormément ce mythe, et il a une portée tellement universelle que ça pouvait être passionnant de le découvrir à la Comédie Française, alors que la pièce (qui date de 431 av. JC ) entre seulement au répertoire. Mais j’ai été proportionnellement déçu, car il n’y a pas grand chose qui allait dans ce spectacle.
Pourtant, comme d’habitude, on sent que les comédiennes et comédiens sont impeccables, et il y a toujours des productions nec plus ultra avec des décors impressionnants et clairement des moyens mis en œuvre. Dans le rôle titre, Séphora Pondi est vraiment sublime, elle a un charisme incroyable, et je trouve qu’elle incarne une remarquable Médée. C’est une femme noire gironde d’un gabarit important, et elle en impose immédiatement. Dans tout le registre consistant à la faire passer pour la sorcière étrangère et incomprise, vilipendée par le peuple en plus d’être abandonnée par son mari, elle est parfaitement dans son rôle et vraiment elle rayonne, et irradie de charisme, autant qu’elle subit l’opprobre publique. Mais là où le bât blesse, c’est que la direction d’acteur est déplorable. Je le suppose en tout cas… Qui leur a dit de jouer dans le drama puissance 10 000 en faisant des caisses (alors que l’histoire se suffit…) et surtout d’apporter une sorte de dissonance en appuyant sur des syllabes imaginaires ou en essayant de temps en temps de se la jouer « peuple ». Et ces appuis sur les fins des mots frisent parfois le ridicule : « oh la tyrrhéniennuuuuh, la reineuuuuh ». On était parfois dans du Daniel Emilfork dans Deux heures moins le quart avant Jésus Christ, c’est dire.
Donc rien que cela était très très décontenançant, mais à la rigueur on pourrait s’y faire. Néanmoins il y a plein d’autres choses qui ne vont pas. La nourrice notamment est jouée par Bakary Sangaré (c’est un homme, mais ça pourquoi pas) et tout le début alors qu’il introduit l’histoire, on ne le comprend pas. Ce n’est pas assez fort et il a une élocution chuintante qui empêche concrètement de bien le comprendre. Après certains rôles masculins sont joués par des femmes, notamment Jason et Egée (pourquoi pas également), ça peut le faire, mais pourquoi ? Qu’est-ce que cela apporte ou change ?
Jason grimpe sur Médée à un moment, et c’est à n’y plus rien comprendre, ni à saisir le message qui est véhiculé. Et en plus de tout cela, la mise en scène n’apporte pas grand chose, on est soit trop statique, soit on a Créon qui tourne autour de Médée de manière artificielle et hystérique. Les décors sont beaux et « chers » mais n’apportent pas non plus grand chose selon moi. Vraiment je n’ai pas arrêté de remarquer des codes ou des éléments dont je me demandais « mais pourquoi », tandis que j’ai galéré pour rester dans la tragédie. J’attendais aussi beaucoup de la scène d’infanticide, mais alors les enfants représentés par des baudruches qu’on fait éclater ou qu’on implose entre ses cuisses… Comment dire…
Avec tous ces moyens, on n’aurait pu avoir une Créuse qui s’enflamme et meurt avec un peu d’effets visuels. Mais là justement non, si je ne l’avais pas su, je ne crois pas que je ne l’aurais même pas compris… De même, sur la fin ou nous sommes tout de même sur une Médée qui a accompli va vengeance et qui se casse sur un char du Soleil tiré par des dragons. Bah ils ont fait des choix beaucoup moins clinquants, clairement.
Tout cela est très triste, car d’avoir une Médée aussi géniale, ça partait une note positive pour le plus important de la tragédie. Mais tout le reste contribue a gâcher ce potentiel…
Quelle belle critique. La pièce n’a effectivement pas été bien reçue par la critique mais ici il y a de l’argumentation. Les principaux problèmes sont bien identifiés.