Sous cette appellation déjà très contemporaine se cache la « 1ère Biennale Internationale d’Art Contemporain Chinois de Montpellier ». Ah vous vouliez aller à la plage ? Mein gott, c’est soooo has-been, allez donc visiter une chouette expo d’art contemporain disséminée en 8 points du centre-ville de Montpellier.
J’y suis allé un peu méfiant car je pouvais soupçonner un truc un peu cheap avec un tel nom et des affichages assez conséquents un peu partout, mais au final j’ai été emballé par la qualité, l’audace et l’innovation déployés par ces artistes d’avant-garde d’une Chine résolument contemporaine. Il s’agit bien là d’une exposition qui revêt des formes extrêmement diverses et qui fait découvrir de multiples facettes de la création artistique chinoise, avec ses singularités, ses similitudes avec l’Europe en terme de préoccupation et aussi quelques oeuvres qui agissent comme des ponts entre nos continents et nos cultures. Montpellier n’avait pas d’endroit assez grand pour accueillir tant d’oeuvres et aussi différentes, on doit donc passer d’un coin à l’autre du centre historique (dix, quinze minutes à pied au grand mot) pour gagner des endroits dédiés à l’exposition de quelques oeuvres. On peut aussi en voir d’autres librement installées dans la ville et prenant possession de l’environnement urbain.
J’ai donc vu les oeuvres d’une kyrielle d’artistes, mais je ne suis pas tout allé voir non plus. Donc je ne parle que de celles qui ont retenu mon attention ci-après. Il n’y avait que très peu ou pas du tout d’explications autour de ses oeuvres, donc ce que j’en dis n’est que mon opinion ou mes impressions. Etre d’accord ou pas d’accord avec mon ressenti ne rime donc vraiment à rien, il s’agit juste de mon truc à moi, dans ma tête de linotte à moi (pour couper court aux mails incendiaires que je peux recevoir quand j’ose m’exprimer sur l’art alors que je n’ai pas fait de thèse sur le sujet).
Pavillon du Musée Fabre :
Ce pavillon est un endroit qui sied déjà aux expositions, et dont la partie centrale est dédiée à une installation très grande qui m’a particulièrement impressionnée. Il s’agit d’une immense salle aux murs blancs dont le fond est recouvert d’un écran, sur lequel est diffusé un film. Le reste de la salle est couvert d’un amoncellement de tessons de porcelaine plus ou moins conséquents. On reconnaît dans les fragments des objets du quotidien : des téléphones, roues de voitures, bouteilles, ordinateurs et autres objets manufacturés. La matière de ces objets est donc tout a fait intrigante. L’artiste, Liu Jianhua, a reproduit des centaines de biens en porcelaine et les a ensuite brisés pour les disposer ainsi en tas plus ou moins compact. Le film donne la clef du mystère en quelques minutes de visionnage. En effet l’artiste nous invite à réfléchir sur la fragilité de la haute technologie qui en même temps qu’elle avance à pas de géant, et permet d’accomplir des merveilles, rend aussi l’homme plus dépendant de ses imperfections et aussi cassant qu’un objet de porcelaine. La vidéo donne l’exemple des voyages spatiaux depuis 1969, avec les désastres des essais récents malgré les extraordinaires progrès des technologies de pointe. Les fusées ont beau être des joyaux de techniques et d’innovation, elles en sont d’autant plus frêles et fragiles.
Liu Jianhua a étudié au département des Beaux-Arts de l’Université de Porcelaine et de Poterie de Jingdezhen, on comprend donc pourquoi il a utilisé la porcelaine pour représenter ces objets. Son oeuvre est très simple à comprendre et l’effet en est d’autant plus frappant. La délicatesse de la reproduction des objets contraste fortement avec la manière dont ils ont été fracassés. Et la matière si fragile surprend pour des objets comme des roues de bagnoles qu’on imagine imputrescibles.
L’autre artiste du Pavillon qui m’a beaucoup marqué est un photographe : Wang Qingsong. Trois photographies de grandes tailles sont exposées, et elles sont extrêmement troublantes de par leur sujet ou leur composition. En effet, elles sont d’une beauté stupéfiante en même temps que d’avoir pour sujet des scènes des plus morbides, et suivant une composition qui frise la nature morte en peinture. L’une d’elles par exemple, « l’Archéologue », montre un homme en pleine fouille et qui déterre en les découvrant de terre des hommes « vivants » enchevêtrés les uns dans les autres. Et celle qui m’a le plus plu est « Clochard » qui est une véritable nature morte qui place un couple de SDF dans un monceau de détritus.
La structure de l’image est magnifique, les fruits, les immondices, les postures des personnages… Tout concourt à magnifier cette vision d’horreur et de désespoir. Il s’agit certainement d’un certain cynisme mêlé à une dose d’ironie et de dérision de la part de Wang Qingsong.
Carré Sainte-Anne :
L’endroit est très joli et plutôt particulier puisqu’il s’agit d’une église récupérée comme hall d’exposition. Le cadre est donc assez austère et « marqué », quelques oeuvres étaient disposés, mais j’ai surtout retenu « Incident 6.21 » de Unmask (un groupe de Design créé par des gens de mon âge, Kuang Jun, Liu Zhan et Tan Tianwei). Toujours sur le thème de la fragilité de la technologie et de son côté « périssable » ou faillible (contrairement à ce qu’on pourrait croire), ils présentent un robot démantibulé du genre « Géant de Fer ». Un des bras a comme un dysfonctionnement qui fait que les doigts de la main tapent sur le sol en rythme, marquant ainsi un mouvement mécanique répétitif, infini et sans raison.
La Panacée :
La Panacée est l’ancien Laboration National de la Santé et possède encore des locaux qui reflètent complètement cette activité. Ainsi les artistes se sont appropriés un espace et l’on investi avec leurs oeuvres tout en conservant l’originalité du décor (amphithéâtre de cours, faïence blanche sur les murs, éviers de laboratoire etc.). Il y a beaucoup de salles et donc pas mal d’artistes représentés avec des oeuvres très différentes dans le fond comme dans la forme. On y trouve des vidéos, des photos, des sculptures ou des installations.
Reviennent beaucoup les thèmes du déracinement ou de la perte des traditions, mais aussi ceux de la quête d’identité ou d’individualité dans un pays continent si immense. Les artistes s’intéressent donc beaucoup à l’uniformité des masses et la standardisation des gens et des comportements.
Chen Shaoxiong avec « Homescape 2005 » a photographié des intérieurs de centaines de gens. Il a découpé des formes dans ces photos, les meubles, les plantes, les personnes. Ensuite, il les a rassemblé dans des « foyers » types et les a mis dans des « cases ». Il montre la manière dont les intérieurs sont ainsi compatibles les uns avec les autres et facilement interchangeables. Il construit et déconstruit des vies et des familles, et joue les démiurges tout en constatant la banalité affligeante de son résultat. On trouve ainsi trois salles consacrés à ça, avec dans chacune ces centaines de bouts de photos.
L’oeuvre certainement la plus impressionnante et la plus « majeure » de toute la biennale est pour moi « « Huo-Si » bird » de Yang Fudong. Cet artiste a voulu créer une forêt mystérieuse, lorsqu’on entre dans une forêt on entend des bruits, et surtout des cris d’oiseaux. On peut les entendre mais jamais ne les voir. Il a donc entièrement recouvert l’amphithéâtre de photographies prises dans une forêt. L’amphi est donc complètement vert de feuillages « photos » sur lesquelles on peut voir apparaître, en s’approchant, des visages ou des postures étranges. Une musique vient compléter cette atmosphère pseudo-naturelle, une musique éthérée et fantomatique qui plonge encore plus dans ces sons étranges qui peuplent les bois. On peut aussi voir des vidéos sur des écrans disséminés ça et là, avec des personnages qui s’étreignent ou qui s’embrassent.
L’installation est d’abord concrètement magnifique de par ce placage de photos de verdure sur l’ensemble des tables, chaises ou estrade. Et cette musique en plus des images tend à placer le visiteur dans un rêve énigmatique, où l’on se surprend à guetter des mouvements de feuilles ou d’arbres. Il s’agit d’un partage d’une vision d’un artiste vraiment exceptionnelle, pleine de poésie et de candeur. Je suis resté un bon quart d’heure à scotcher sur l’ensemble tant cela fonctionne et procure du bien-être, en même temps qu’une espèce de gêne, ou bien l’impression d’être observé par ces visages et des regards singuliers.
(Ce n’est pas génial évidemment, mais je trouve que ça donne une petite idée…)
J’ai aussi aimé une des dernières installations qui est très classique dans le genre « Beaubourg ». Il s’agit de « Notre spécialité culinaire » du Trio de Chongqing. Le groupe présente une assiette à soupe géante (3 ou 4 mètres de diamètre) dans laquelle des os baignent dans une cire rosâtre, au centre apparaît alors un sceau rouge avec indiqué : « made in China ». Un film diffusé derrière permet de comprendre la genèse de l’oeuvre et son « sens ». En fait, une tête de Buddha énorme a été moulée avec des os métalliques à l’intérieur. Un courant électrique fait chauffer les os qui font alors fondre la cire, et finalement révèle le sceau au fond de l’assiette. C’est une oeuvre plutôt marrante et qui prête largement à sourire. Apparemment, le Trio de Chongqing a mené là une réflexion sur les relations économiques internationales (on est aujourd’hui tous bouffés à la même sauce), sur les relations entre la Chine et l’Europe (la Chine produit l’essentiel des produits manufacturés européens) et sur le consensus politique international qui fait du capitalisme la norme pour tous (ce qui à la fois nous rapproche, et nous montent les un contre les autres).
Antigone :
Voilà une idée géniale et qui parle absolument à tout le monde. Jin Jiangbo a imaginé le « Puits de l’amitié ». Un puits diffuse par un écran la vidéo et le son en temps réel de l’autre côté du globe, tandis que de l’autre côté (une ville de Chine), les gens peuvent aussi nous voir et nous entendre. Un puit virtuel qui traverse la Terre et permet de communiquer entre France et Chine, un joli rêve de môme !
Chapelle de la Miséricorde :
La chapelle est un tout petit endroit dans lequel une seule oeuvre est exposée. Une oeuvre plutôt énigmatique mais avec beaucoup de charme dans sa mise en scène. Un « Hommage à : Chen Zhen » (je ne sais plus si c’est de lui, ou pour lui…). Différents bacs en forme de lits sont remplis d’eau. L’eau tombe de fontaines situées au-dessus de chaque « lit », et dans ces derniers on trouve des objets qui ainsi dépérissent, se désagrègent, pourrissent ou rouillent. L’eau ne tombe pas toujours, et les fontaines ne sont pas non plus synchrones. On peut donc observer ces tombeaux liquides au calme, ou bien troublés par les remous aqueux.
Par exemple, il y a des bouts de bagnoles :
Des bouquins :
On peut encore penser à la fragilité des choses : technologie, objets usuels, savoirs et connaissances, qui comme tout sur Terre sont érodés par la plus simple, universelle et commune des substances : l’eau. Dans une chapelle, l’effet est encore plus glauque et sacré à la fois. La lumière verdâtre de l’endroit augmente encore l’impression de vieillissement et de désintégration des éléments, tout en étant conservés dans ces linceuls liquides et ces « lits » tombaux. Déroutant.
La plage has-been? Ca dépend ou tu vas! Palavas oui, Carnon, beaucoup moins.
là non c pas juste tu as eu la chance de la voir !! je rentre de Montpellier mais j’ai l impression de rien avoir eu le temps de faire!! mardi pour mon dernier jour, parti de bonne heure sur la piste de ce cette expo, j’ai été détourné du droit chemibn de la culture par une boutique… et des amis, peru de vue depuis bien trop longtemps
malheureusement, l’expo se termine fin août je crois, et je vais manque un grand moment:! en tout cas, merci à Toi :lol: je viens de parcourir ta présentation riche d’enseignement et d’une écriture des plus motivantes!!
Partant pour en parler qd tu veux, ici , par mail, ou autour d’un verre au snax Kfé bien volontiers! le service y est charmant et l ambiance convival!! ca la balle est dans ton camp!! kiss
tu as tout a fait défini l’impression immense que m’a fait l’oeuvre « huo-si bird », elle m’a tellement frappée que je suis restée là , à regarder profondément sans pouvoir bouger, ressentant une vision d’artiste par tous les pores de ma peau.
l’ambiance était trés spéciale, j’étais seule au milieu de la panacée, il était midi et le lieu était desert j’ai eu l’impression de faire un long voyage….
j’ai aussi adoré les oeuvres novatrices de la plupart des artistes , bref une exposition riche en émotions de tout ordre.
alors que je cherchais des renseignements sur yang fudong, je tombe sur ton blog, marrant de voir comme l’artiste a pu toucher les gens de la même façon…
salut!!