Je ne me doutais pas que ce livre de Géraldine Brooks me plairait autant, je l’avais acheté comme ces bouquins avec un fond historique dont j’apprécie les références. Mais là, c’est autre chose, et le livre rentre sans problème dans mon panthéon des ouvrages qui « tuent leurs races et leurs mères ».
J’ai lu plus tard (dans les dernières pages) que ce livre est basé sur une histoire réelle. Il se situe durant la grande peste entre 1665 et 1666 dans le Derbyshire, au centre de l’Angleterre. C’est à Peyam plus exactement, un petit village de 350 habitants, qu’un tailleur reçoit un tissu de Londres qui contient les miasmes de la peste bubonique. La peste s’abat alors sur le village et le saigne à blanc. Le pasteur, la personne la plus importante du village, prend alors l’incroyable décision en concertation avec les villageois de mettre leur cité en quarantaine pour éviter que la peste se propage. En effet, à l’époque, les gens fuyaient les épidémies ce qui concourrait à mieux encore les répandre. Les habitants restèrent donc en autarcie, nourris par le comté qui apportait des vivres à l’entrée, et à la fin de l’épidémie 260 personnes étaient mortes. On considère aujourd’hui que cet acte a certainement empêché une pandémie plus importante encore en Angleterre.
Le pasteur survécut à cette épreuve où il perdit sa femme, et il évoqua sa servante sans laquelle il n’aurait pas pu lutter si efficacement. Géraldine Brooks partit donc de cette évocation et s’est glissé dans la peau de Anna Frith pour écrire ce fantastique roman.
Nous sommes donc en 1665, une époque bien terrible et telle qu’on imagine cet obscurantisme moyenâgeux où les médecins sont des barbiers dont l’incurie fait mourir les gens rapidement, et où on brûle les femmes comme des sorcières, notamment les sages-femmes et les doctes femmes qui connaissent les vertus des plantes. Une époque où les puritains règnent au côté des anglicans en matière de religion, avec des modes de vie spartiates et anti-hédonistes.
A Eyam, les ressources sont essentiellement minières. C’est le cas pour la famille d’Anna, dont le mari meurt dans le début du roman dans sa mine. Cette dernière se retrouve donc seule, et doit abandonner la mine (car celui qui ne peut exploiter sa mine la perd irrémédiablement). Elle devient alors servante d’un domaine, ainsi que du pasteur M. Montpellion et de sa femme Elinor.
Anna héberge un tailleur de Londres qui aide le magasin de confection local. Il reçoit des tissus de Londres et tombe rapidement malade. Il supplie Anna de brûler tous les vêtements qu’il vient de confectionner juste avant de mourir, mais les gens crient au scandale et veulent récupérer leurs mises. Ainsi, la peste entre dans les maisons et les gens commencent à succomber. Anna devient alors plus qu’une servante, elle aide les uns et les autres, elle épaule surtout Elinor, et devient plus proche du pasteur.
Les deux sages-femmes et femmes de savoir du village sont tuées par une foule en folie qui les pense sorcières, et malgré toutes ses forces, Anna ne peut rien faire pour les sauver. Ainsi le village perd en plus les remèdes et les seules personnes qui pouvaient les aider et les soulager. Elinor et Anna prennent alors la relève en aidant les femmes à accoucher, en veillant les malades et en essayant de tirer le maximum d’enseignement des vieux grimoires et plantes des deux femmes. D’ailleurs, Anna découvre les riches enseignements d’un médecine mahométan appelé Avicenne dans son « Canon de la médecine ». Ce clin d’oeil m’a beaucoup plu en tant que fan du grand et vénérable Ali Ibn Sina.
Non seulement, le bouquin foisonne de détails extrêmement précis et historiques, mais en plus l’intrigue du roman est passionnante et il est très bien écrit. Trois éléments qui font que j’ai dévoré le livre en deux temps, trois mouvements. L’auteur a réussi à mêler de manière subtile une histoire toute féministe avec ce fond historique et sociologique qui fait froid dans le dos. On s’attache immédiatement à Anna Frith et à son combat de femme, de mère, de sage-femme et de simple personne. C’est vraiment le genre de bouquin qu’on commence et qu’on a alors du mal à lâcher en cours de route. Une réussite !
:shock: Obscurantisme moyenâgeux ? En 1665 ? Il me semble qu’à cette époque, c’est la Renaissance, non ?
Cela dit, acte courageux de cette communauté sous l’impulsion du pasteur.
:mrgreen: cool parceke apres avoir lu Sarko Star et m’etre gravement marré, un petit retour dans la vraie grande litterature me fera du bien, et comme je n ai pas la chance de me cultiver seul ( mais sous surveillance ) à Beaubourg, je te remercie pour ce post qui m indique le chemin vers un agreable moment de lecture
ça a l’air tout a fait passionnant :salut: ! jaime beaucoup les récits sur cette époque . dans le résumé que tu en fais , j’ai l’impression que je vais y retrouver la saveur de la nouvelle , incluse dans le dernier tome des souvenirs d’enfance de marcel pagnol , qui parle d’un médecin sauvant sa petite communauté de marseille en les enfermant en autarcie eux aussi .
merci a toi pour la découverte ! ;-)
4 mois que je te parcours, et pour la 1ère fois je commanderais un livre dès mon retour de vacances, selon ton conseil (je pars demain, 15 jours, à Royan)Ce n’est pas tant l’historique qui m’intéresse, mais le principe (sur lequel ton manque de dissertation pèche !): cette forme d’auto-condamnation d’un bourg pour protéger tout un pays d’un mal. Une ferveur aujourd’hui impensable tant l’individualisme outrancier semble de bon ton. Hâte de guetter l’écrivaine autour de ce débat !
C’est aussi l’année du Grand incendie non?
J’adore ce genre de romans historiques !!!! faudra que tu me le prêtes, je complèterai la dédicace…
pour continuer à voyager, je te recommande dans le même genre
de BAO LORD Bette « Lune de printemps » (Chine)
et de Henryk Sienkiewicz « Les chevaliers Teutoniques » (Pologne)
…deux de mes romans préférés ! :book:
Gus> Arf. Pas d’inquiétude, je qualifie encore aujourd’hui d’oscurantisme moyenâgeux certaines attitudes bien contemporaines !!!! ;-)
BaT> Aussi l’année du grand incendie oui.
Et sinon, ce qui est aussi vraiment bien dans l’intrigue c’est qu’après coup, on comprend aussi que leur attitude n’est pas forcément motivée par la plus honorable des causes.
Et a la fin ils boivent une bierre ?
hum. :cool: désolé