Super MaTante

Ce week-end, j’ai vu mon grand-oncle et ma grande-tante. Ca fait toujours bizarre aux gens quand je les appelle, car je dis « Mon Oncle » et « Ma Tante » comme s’il s’agissait de leurs prénoms. C’est une réminiscence de ma maman gamine qui les appelait avec beaucoup de respect (« bonjour mon oncle, bonjour ma tante » comme Candy) parce qu’ils étaient un peu les « gens de Paris », et qu’à l’époque cela se faisait. Et du coup, on les hèle tous comme ça, même des amis de la famille. Parfois le contraste est saisissant lorsque je dis : « Oh naaaan tu déconnes à donf’ Ma Tante !!! ».

Je vais les voir assez souvent, et fréquemment je repars avec de croustillantes anecdotes du temps passé, vous savez le genre « c’était mieux aaaaavant ! ». Mais j’apprends aussi peu à peu des choses sur la manière dont Ma Tante en particulier a agi pendant sa vie.

Ma Tante est née au Portugal en 1915 (vous savez bien, je le serine à longueur de temps… je suis constitué d’un quart de portugais, algérien, allemand et français) et elle est arrivée dans le nord de la France alors qu’elle avait 4 ans (mon arrière-grand-père bossait déjà dans les mines en récompense de sa participation en 14-18).

En tout cas, à 15 ans tout juste (1930) cette jeune fille se marie avec un portugais. Je ne connais pas bien les modalités de cette union, mais de la manière dont elle l’a toujours exprimé, je pense que ce n’était pas vraiment de gaieté de coeur. En effet, comme Ma Tante le rapporte : « On ne pouvait pas fréquenter à l’époque… il fallait tout de suite se marier ». Seulement, son mari était un homme vil et méchant, surtout un homme qui la battait. Je n’ai pas de détail évidemment, mais les silences parlent d’eux-mêmes dans ce cas. Et surtout, Ma Tante a fini par divorcer, ce qui à l’époque était considéré comme de la pure Science-Fiction. J’essaie d’imaginer ce que ça a pu être pour elle de prendre une décision pareille, et les pressions qu’elle a du subir à l’époque.

Outre cela, voulant prendre son indépendance, elle a du travailler, et c’est comme cela qu’elle est devenue bonne. La dernière fois, elle me racontait que sa dernière place était chez un général très friqué sur Paris. Elle est restée quelques années dans cette maison, et un jour, elle est tombée gravement malade. Elle va à l’hôpital, et là, on se rend compte qu’elle n’a pas de couverture sociale, pour la simple et bonne raison que son employeur ne la déclare pas du tout depuis toutes ces années. Donc, impossible d’obtenir des soins, elle doit partir.

Elle quitte donc l’hosto, gravement malade, elle prend le métro, et s’arrête à la station « Cité ». Là, un gars l’accoste et lui demande si elle va bien. Elle lui explique rapidement son histoire. Le type alors se présente comme un mec de la CGT, et l’emmène à l’antenne locale, lui fait prendre sa carte. Et elle se pointe aux Prud’hommes avec un avocat qui présente et défend urgemment son cas. Elle obtient gain de cause, et du coup, file à l’hôpital ! :mrgreen:

Mon Oncle est né en 1913, ils ont donc 91 et 89 ans. Ils se sont mariés en 1941, ainsi cela fait 63 ans qu’ils partagent leur vie. Je les cite alors souvent en exemple lorsqu’on me soutient que le divorce est nocif à la famille, que l’on ne peut pas refaire sa vie après ou que c’est l’instrument du malheur et ce genre de conneries.

Et puis, elle est ouverte sur beaucoup de choses, d’ailleurs elle m’a apparemment grillé depuis un certain temps. :langue: Je n’aurais pas du lui montrer mon piercing au téton à l’époque !

Ma Tante c’est donc du haut de ses 1m43 (eh oui pourquoi croyez-vous que je suis un nabot) une méga bonne femme dont je suis très fier.