Avec un nom pareil, je ne garantie pas que le souvenir de l’auteur soit impérissable, il s’agit d’un bouquin de Mènis Koumandarèas, évidemment grec, dans ma petite collection fétiche « motifs » du Serpent à Plumes.
Je regrette de ne pas en connaître plus sur la période de la Grèce que le bouquin évoque, à part dire que le pays vivait sous le joug de la « dictature des Colonels » dans les années 60, je ne sais pas grand-chose de plus. Or le livre se passe pendant ce moment particulier, où une femme, Bèba, est propriétaire d’une verrerie à Athènes, et tente de survivre dans une époque de crise.
Autant le dire tout de suite, c’est un bouquin plutôt sombre et pessimiste. Le récit est concentré sur la vie de cette femme, avec son mari un peu absent et faiblard, et leurs deux compères, deux vieux célibataires, employés frivoles et inutiles d’une verrerie en décadence. Bèba tient son commerce, son mari et toute son existence à bout de bras, c’est un genre de femme admirable et omnipotente qui fait peur, autant qu’elle inspire le respect, et parfois la compassion. Elle est une ancienne militante communiste qui a subi avec la dictature la chute de ses idéaux et un destin même des plus funestes pour certains de ses corrélégionnaires. On sent une profonde désillusion née de ce passé sanglant, et tout le bouquin tient sur la personnalité conquérante et surpuissante de cette femme, qui se bat contre les adversités la tête haute.
Quelques saynètes viennent un peu égayer le récit avec notamment les deux compères qui sont un peu débordés et se font éhontément arnaquer, lorsque Bèba doit partir régler des différents en Province et leur laisse la responsabilité de la verrerie, tandis que son mari est à l’hôpital dans un état dépressif qui frise l’hébètement. Et la description minutieuse de ce que l’héroïne pense et vit, donne lieu à quelques séquences vraiment captivantes et à l’écriture bien maîtrisée. Même si je n’ai pas accroché tant que ça, je ne peux pas dire que ce n’était pas intéressant de découvrir une telle littérature.
À noter, du même Koumandarèas, Le beau capitaine, traduit en 1993 aux Éditions du Griot. Sur fond de démocratie en train de sombrer à la veille de la dictature des Colonels, la fascination d’un vieux conseiller d’État pour un jeune officier qui se voit refuser tout avancement, et dont il est chargé d’assurer la défense. À la fois un portrait politique de la Grèce d’avant 1968 et un roman sur le désir, l’amour et la haine.