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Pectus est quod disertos facit. ∼ Pédéblogueur depuis 2003 (178 av LLM).

La cage au folles (théâtre du Châtelet)

J’ai pris des places en lisant de très bonnes critiques, et piqué par la curiosité d’une adaptation actuelle d’une telle œuvre : est-ce que la bouffonnerie moqueuse (et malgré tout extrêmement drôle) est devenu un « rions avec » plutôt qu’un « rions de », voire un truc un peu queer et modernisé ? Mais vraiment je n’avais rien lu de spécial, donc j’ai même découvert que le rôle titre était tenu par Laurent Lafitte en arrivant, ou que l’adaptation était d’Olivier Py. Donc vraiment, c’était la pure découverte !

A vrai dire, j’ignorais également que l’hymne LGBT I am what I am de Gloria Gaynor venait de cette comédie musicale (totalement béotien le gars ^^ ). Et c’est donc le thème qui revient pendant toute l’œuvre, ce qui fait qu’on a toujours un rappel mélodique très agréable et familier. C’est une production du théâtre du Châtelet, on peut donc aussi compter sur quelque chose de vraiment au poil et bien léché techniquement parlant, il y a des moyens et ça se voit ! D’ailleurs ce qui est le plus probant est sans doute ce décor gigantesque et tournant sur lui-même qui montre la devanture du cabaret, la Cage aux Folles, et qui pivote ensuite sur une belle scène de cabaret avec escalier monumental et lumières hollywoodiennes (un petit côté revue du Paradis Latin), mais aussi sur les loges sur 3 niveaux, ou l’appartement à la déco kitsch et gay du couple Albin/Georges. L’ensemble de la scène est occupé sur plusieurs étages, et l’occupation de l’espace est très bien fichue et assez impressionnante.

Il y a également du monde sur scène, avec les deux héros évidemment, mais aussi la troupe du cabaret qui forme un chœur de folles danseuses à plumes (plutôt que des travestis, on est sur des « girls »), et cela donne des numéros de groupe assez jolis et bien troussés.

Mais voilà le problème, ce que j’ai aimé, ça s’arrête là… Et c’est principalement parce que dès les premières minutes, j’ai été décontenancé par les choix artistiques ou d’adaptation, et que c’est reste en moi comme un « choc déceptif » pendant tout le spectacle. Et je suis ressorti hyper triste de cet état de fait, autant d’ailleurs parce que je voyais bien à quel point j’étais à contre-courant de la presse ou de la salle, à la fois hilare et applaudissant à tout rompre. Mais bon, je reste droit dans mes bottes. ^^

Evidemment l’histoire reste la même, et je ne pensais vraiment pas à une réécriture. D’ailleurs, autant c’était un problème dans la Cage aux Folles était la seule représentation « gay » pour mes parents quand j’étais gamin. Et donc le film a été un énorme problème sur la manière dont la caricature a été érigée en modèle unique, et a institutionnalisé la follophobie de la société avec le clown-folle en figure de proue. Mais aujourd’hui, il passe mieux parce qu’il est carrément « vintage » et qu’il est au milieu de tant d’autres choses. Donc je trouve qu’il se revoit très bien comme la comédie de la fin des années 70 avec d’anciennes valeurs et représentations, et on peut même voir avec un œil positif le couple représenté et la conclusion du film tout en tendresse pour eux.

En outre, Michel Serrault était un merveilleux Albin, et il fallait qu’il soit lui-même très très folle pour réussir à incarner comme cela Zaza ou avec la même trempe hilarante un assez peu viril Jules César1.

Mais nous sommes en 2025, et la comédie musicale avait déjà opté pour une approche un peu moins gauloise et misant plus sur l’acceptation de la diversité des relations amoureuses, donc soit on modernise, soit on date carrément le truc et on joue sur la reconstitution d’époque. Et là, je n’ai pas compris que l’on soit sur une représentation aussi datée et surtout avec un straight-gaze (et Olivier Py est aussi pédé que moi hein, et ce n’est pas un planqué) aussi manifeste (pour moi en tout cas).

Dès le début, et c’est un vrai choix artistique je trouve, on est sur un cabaret qui s’ouvre avec des travestis qui ont l’air de travestis en effet. C’est à dire l’idée que se font les hétéros des travestis, donc on doit voir que ce sont des mecs avec des perruques et du maquillage. Parce que les perruques ne sont pas très belles, et le maquillage très basique, et alors avec Laurent Lafitte en Albin c’est encore pire. On est vraiment sur le mec hétéro grimé. Et tout son jeu est comme cela selon moi, il singe, il mimique, il est clownesque. Il est exactement comme le mec hétéro beauf au bureau qui fait la folle en imitant le mec de la com un peu trop sensible.

Je pensais que ce serait plus sur une acception plus actuelle et moderne des cabarets comme Madame Arthur ou simplement même comme les shows drags qui sont légions aujourd’hui. Il y a tellement d’artistes drag qui auraient été géniales pour incarner les danseuses ou Albin. Et je m’attendais à vraiment cette nouvelle représentation, avec des maquillages incroyables et des apparences de créatures féminines qui dépassent l’entendement. Là non, on est toujours dans la moquerie du mec qui joue les divas, et c’est pour provoquer le même genre de rire, celui des hétéros. Alors ok, c’est un rire plus gentil et sympathique, il y a plus de commisérations sans doute, mais c’est à peu près identique aux rires gras des publics du théâtre de boulevard de 1978. Et ça, ça m’est resté au travers de la gorge.

Toutes les blagues de Lafitte lorsqu’il est dans le public m’ont fait juste roulé les yeux jusqu’au ciel. Cela sonne tellement faux, tellement Michou des années 70, et pourtant il y a des références qui se veulent plus modernes. Par exemple, c’était une bonne idée de mettre les futurs beaux-parents du fils en chantres de la manif pour tous, plutôt que de simple conservateurs. Mais alors, je ne comprends vraiment plus l’intrigue avec le fils qui cherche à faire se rencontrer ces personnes avec ses parents qu’il aime et qui sont clairement un couple de pédés. Et ne parlons pas de la dissonance du figurant avec son t-shirt Act-Up qui apparaît comme un cheveu dans la soupe. Le truc invisible pour tout un chacun, et qui interpelle quelques initiés, mais pour dire quoi ? On est dans les années combien en fait ?

L’adaptation était l’occasion de rendre ça vraiment moderne et queer, et d’avoir des représentations de folles d’aujourd’hui, car elles sont toujours là les folles, et elles peuvent toujours faire rire, mais on ne rit plus d’elles ! Elles peuvent être les plus belles et gracieuses des girls à plumes. Au lieu de cela, c’est un spectacle pataud qui joue vraiment encore sur les représentations d’antan, ou au mieux sur une vision aznavourienne du « comme ils disent ».

Et puis Laurent Lafitte chante très mal, et ça nuit carrément à la comédie musicale. Vocalement, même si Georges (Damien Bigourdan) essaie tant bien que mal de rattraper le coup, l’ensemble est assez faiblard selon moi, et en tout cas bien en dessous de productions anglosaxonnes vu au Châtelet. Même du côté des numéros de danse, et malgré l’énergie et les jolis costumes, ce n’est pas au niveau d’un show de cabaret, et surtout pas d’un show de Broadway.

Alors je ne sais pas si c’est ma frustration initiale qui m’a rendu l’ensemble aussi peu rutilant (c’est possible, je le reconnais), mais pour moi c’est un truc pour les CE et les clubs du troisième âge qui adoreront rire du monsieur qui fait la folle.

J’ai conscience d’avoir lu des critiques diamétralement opposées et de plein de pédés sur les réseaux sociaux ou même dans Têtu. Donc c’est peut-être moi qui suis devenu un terrible wokiste qui ne pense que non binaire et queer. Les messages de la comédie musicale qui se veulent justement très militants sont peut-être justement très utiles pour l’édification des masses, mais servis comme cela, ils ont pour moi un arrière-goût plutôt amer. Un peu comme un type avec une black face qui ferait un discours antiraciste…

  1. Dans le film de Jean Yanne : Deux heures moins le quart avant Jésus-Christ (1982). ↩︎
      • Je devais avoir 26 ans, on m’a balancé en mode insulte « Toi, tu pourrais jouer dans la Cage aux Folles ». C’est ce jour que j’ai compris la différence entre rire avec et rire de. J’ai fait un blocage depuis sur cette pièce. Et visiblement, ce n’est pas cette adaptation qui relèvera le niveau. Cela a toujours été écrit pour faire rire les hétéros-beaufs. Une simple adaptation n’est pas suffisante, il faut dynamiter le fond et la forme…

        • Oui tu as peut-être raison. Il me semblait qu’il y avait tout de même une manière de présenter différemment les choses, mais clairement ce n’était pas le parti pris ! :gene:

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