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Pectus est quod disertos facit. ∼ Pédéblogueur depuis 2003 (178 av LLM).

Frictions

Quand M. m’a filé ce bouquin, je me suis dit que le nom de l’auteur m’était très familier. Et je ne sais pas pourquoi je n’avais jamais lu de bouquin de Philippe Djian, célèbre auteur de « 37°2 le matin », il y a des écrivains comme ça, que « tout le monde a lu » et qui par hasard échappe à mon escarcelle.

Le livre a une forme un peu spéciale, à l’origine, il s’agit d’une nouvelle parue dans le Monde en juillet 2002. Un jeune garçon de 11 ans en est le narrateur. Djian livre dans cet ouvrage la suite des pérégrinations de ce garçon en jetant sur le papier cinq moments, comme cinq flashs de la vie du narrateur à des époques différentes et charnières de son existence. Ces cinq parties pourraient être considérées comme des nouvelles distinctes tant elles en possèdent l’unité et l’autosuffisance et c’est bien les frictions produites par cette juxtaposition qui génèrent toute la magie de l’ouvrage.

Dans la première partie, le narrateur est un gamin qui se retrouve pris en étau entre une mère charismatique et castratrice, et un père prodigue qui a du mal à s’affirmer. C’est un pur récit d’enfance qui pose les jalons d’une histoire d’amour unique et ambiguë entre une mère, à la démonstration affective complexe, et un fils, qui en subit déjà les conséquences. C’est certainement le chapitre qui donne la vision la plus psy du bouquin puisque exposant la relation mère-fils à l’enfance.

La seconde partie se passe quand le narrateur est au début de la vingtaine, il a quitté le domicile familial et fait des photos homos (mais il est hétéro) pour gagner sa vie.
Ce passage m’a bien fait rire :

Je pense à elle [sa mère]. A tout ce que nous avons foiré ensemble au cours de ces dix dernières années – pour considérer les choses d’un point de vue général. Je pense à elle. J’essaye de me mettre à sa place. Elle me fait penser à un animal enragé. Alors un gars se met tout à coup à m’engueuler parce que je n’ai pas un regard assez humide ou une moue à tailler des pipes. Je lui souris en humectant mes lèvres pendant qu’il envoie des coups de flash au plafond.

Sa mère lui en veut, et ils conservent une relation complexe et énigmatique. Le garçon, notamment, va régulièrement récupérer sa mère, ivre morte, après qu’elle ait passé des nuits avec des hommes dont il ne sait rien. Sa mère rencontre un homme dont elle s’amourache, le narrateur intervient alors dans cette relation de manière aussi intrusive et malsaine qu’elle intervient dans celle de son fils.

Dans la troisième partie, le narrateur est marié à un mannequin et a l’air d’avoir tout pour être heureux. Sa mère est toujours dans ses pattes, et les relations avec la belle-fille vont s’envenimant jusqu’à un dénouement inattendu. Ensuite, dans un quatrième temps, il est seul et élève sa petite fille. Sa mère tombe amoureuse d’un sosie de son père, alcoolique et déliquescent. A son tour, le fils intervient dans la relation… Et enfin, dans la dernière partie, sa fille à 18 ans et on voit que la nature de la relation père-fille a de quoi tenir de celle du narrateur avec sa propre mère.

Le style de ce bouquin est superbe, c’est une écriture simple, limpide et directe, une écriture laconique qui touche directement. Et cette manière claire de s’exprimer et d’exprimer les sentiments est mise en abîme avec des non-dits et la description des éléments d’incommunicabilité qui lie tous les personnages. Aussi l’auteur donne les clefs pour comprendre l’épaisseur psychologique des personnages sans décrire directement un profil, mais plutôt en laissant cela à l’appréciation et la sensibilité des lecteurs. Au fur et à mesure de la lecture et donc de l’avancée chronologique dans la vie du narrateur, on est de plus en plus plongé dans cet imbroglio, mais avec une acuité nouvelle grâce aux preuves accumulées au long des chapitres/nouvelles. J’ai beaucoup aimé cette manière de procéder et l’atmosphère résultante qui se dégage de l’ouvrage.

Cette écriture rectiligne et concise ressemble pour moi énormément à une traduction d’un auteur anglo-saxons, aussi je me suis surpris à m’imaginer pendant ma lecture, toutes les scènes aux US. C’est dans la deuxième partie que j’ai réagi au fait que quand je visualisais ce que je lisais, je ne pouvais imaginer que des personnages et une intrigue américaine, et pas du tout française. Et singulièrement, cela est du autant à la forme (style donc que j’ai décrit comme très anglo-saxon) qu’au fond, puisque l’auteur décrit des gens qui pratiquent l’échangisme dans un milieu de mannequin et de mode sur fond de consommation de drogue etc. Ainsi qu’une « mise en scène » qui pour moi est très américaine (dans les rapports des personnages entre eux). Outre cela, à aucun moment il n’y a un élément qui indique que cela se passe en France (ni une marque de voiture ou une ville ou un aéroport…).

J’ai vraiment beaucoup aimé ce bouquin, j’ai hâte de m’en procurer un autre. En effet, j’ai envie de me faire une idée plus précise et ample sur cet auteur qui m’a vraiment intrigué par cette première lecture « découverte ».

Frictions - Philippe Djian

  • Petite question : ça se lit bien ?
    En fait, je devrais dire : lecture le soir, tête reposée ou lecture dans le métro ?
    Je recherche plutôt le premier cas actuellement.
    Mais je vais quand même essayer.

  • Ca peut très bien se lire dans le métro car ce sont des chapitres courts et que c’est un style plutôt simple et loin de l’ampoulé français classique… Mais je pense vraiment que la réflexion induite est riche ! 8)

  • c’est chiant ce que tu ecris, c’est poussif. j’ai pas pu finir. je vois pas comment on peux lire djian. trop top naze à même s’essuyer le cul avec. vas lire tom egolf ou j. t. leroy et fais des effort pour pas ressembler à une critique litéraire du journal du 18ème. steup

  • merde j’ai oublié le pas
    « à même PAS s’essuyer »
    oups
    au fait au début de ton post
    « je me suis dit que JE nom de l’auteur m’était très familier »
    oups
    we call it even
    sauf que le je c’est un peu révélateur non?

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